Abstraction

Du spirituel au Centre Pompidou

Par Frédéric Bonnet · Le Journal des Arts

Le 28 avril 2009 - 704 mots

Organisée avec la Städtische Galerie im Lenbachhaus de Munich et le Guggenheim Museum de New York, la rétrospective que le Centre Pompidou consacre à Wassily Kandinsky (1866-1944) tient toutes ses promesses. Sur un mode chronologique, l’institution parisienne offre un panorama complet de son oeuvre grâce à une sélection rigoureuse des pièces, enrichie de documents inédits.

PARIS - Il existe trois grands ensembles d’œuvres de Wassily Kandinsky (Moscou, 1866-Neuilly-sur-Seine, 1944) dans le monde : à la Städtische Galerie im Lenbachhaus de Munich ; au Guggenheim Museum de New York et au Musée national d’art moderne à Paris. La rétrospective consacrée à l’auteur du Spirituel dans l’art, concoctée par ces trois institutions et visible au Centre Pompidou, à Paris, après Munich et avant de rejoindre New York, promettait donc le meilleur, d’autant que s’y ajoutent quelques prêts complémentaires. La promesse est tenue et pourrait se définir par un mot qui caractérise l’exposition autant qu’une quête essentielle de l’artiste : l’équilibre. La présentation s’organise en quatre parties, traitées avec une importance en volume à peu près égale, correspondant aux grandes étapes de la vie du peintre russe. À savoir : la formation, suivie par les débuts de l’abstraction à Munich et Murnau, en Bavière (1908-1914) ; le retour à Moscou pendant la guerre et jusqu’à la rupture consécutive au dévoiement des idéaux révolutionnaires ; l’enseignement au Bauhaus, de 1922 à 1933 ; enfin, l’installation à Paris jusqu’à sa mort.

Un accrochage limpide
Cette scansion géographique insiste sur l’importance des lieux pour Kandinsky, et sur les évolutions qu’ils voient naître et accompagnent. Ainsi apparaît très net un changement de tonalité entre les travaux bavarois, où la prise de distance progressive avec la figuration s’accompagne d’une autonomie toujours plus poussée de la couleur, et le retour à Moscou, où l’inquiétude empêche l’artiste de peindre pendant un temps et révèle par la suite des travaux plus sombres – et quelques curiosités inattendues, telles ces petites peintures issues d’un séjour à Akhtyrka, en Ukraine, en 1917, traitées dans une veine figurative proche de l’héritage post-impressionniste perceptible vers 1906. De même que l’arrivée au Bauhaus s’accompagne d’un « raidissement » de la pratique : la géométrisation du plan prend immédiatement une importance déterminante.
Le traitement équilibré des quatre volets permet en outre d’insister sur la dernière période, bien moins visible et parfois – à tort – moins considérée. Fixé à Neuilly-sur-Seine en 1934, Kandinsky fait évoluer sa palette vers des tonalités plus délicates et un vocabulaire formel où grouillent de délicieuses figurines biomorphiques entretenant une agitation contenue à la surface, qui ne se départit pourtant pas d’une organisation géométrique. Tensions délicates, Balancement ou Accord réciproque (1942) témoignent d’une quête d’équilibre et d’harmonie qui semble s’accomplir dans une sorte de plénitude réjouie.
Avec près d’une centaine de tableaux, la sélection est à la fois complète, dans le sens où rien ne manque du cheminement de l’artiste et de ses grandes sources de questionnement, et rigoureuse car nullement diluée, les commissaires n’ayant manifestement pas cherché à trop en mettre. La lecture des œuvres est en outre servie par un accrochage limpide et dénué d’emphase ou d’artifices scénographiques. De plus, entre chaque étape s’intercalent trois sections graphiques et documentaires où se révèle la richesse du Fonds Kandinsky conservé au Musée national d’art moderne, et qui apportent une incontestable valeur ajoutée à la présentation. Car s’y dévoilent quelques trésors, tels des dessins et gravures qui, lors des périodes d’abstinence picturale, semblent avoir fonctionné comme des exercices d’une gymnastique qui prélude à de nouveaux développements. On y découvre des éditions originales (l’almanach Der Blaue Reiter, 1912), mais aussi des feuillets de notes et croquis éclairant la méticulosité des recherches sur l’harmonisation de la composition ou la mise en place d’un vocabulaire méthodique des éléments. Tous documents qui achèvent de démontrer la constante et infatigable rigueur d’une démarche.

KANDINSKY, jusqu’au 10 août, Centre Pompidou, 75191 Paris, tél. 01 44 78 12 33, www.centrepompidou.fr, tlj sauf mardi 11h-21h. Cat. éd. Centre Pompidou, 360 p., 240 ill., ISBN 978-2-84426-381-0, 44,90 euros.

KANDINSKY
Commissaires : Christian Derouet, conservateur au Musée national d’art moderne ; Annegret Hoberg, conservateur au Lenbachhaus, Munich ; Tracey Bashkoff, conservateur au Guggenheim Museum, New York
Nombre de peintures : 93
Surface d’exposition : environ 2 000 m2

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°302 du 2 mai 2009, avec le titre suivant : Du spirituel au Centre Pompidou

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