Japon

Du nouveau autour de Naoshima

Par Christian Simenc · Le Journal des Arts

Le 28 avril 2009 - 815 mots

A côté d’autres projets sur les îles d’Inujima et Teshima, se prépare dans ce microarchipel un festival d’art contemporain.

NAOSHIMA - Un microarchipel de la mer intérieure de Seto serait-il en passe de devenir l’un des lieux phares de l’art contemporain au Japon ? Un homme, en tout cas, s’y emploie : Soichiro Fukutake, 64 ans, président de la Naoshima Fukutake Art Museum Foundation. Son père, Tetsuhiko Fukutake, grand amateur d’art, fit fortune en fondant une société d’édition scolaire et d’enseignement par correspondance, la Benesse Corporation. Devenu à son tour collectionneur et mécène, Soichiro Fukutake a réussi, en moins de deux décennies, à faire se tourner les regards vers ce qui n’était qu’un paisible panorama d’îlots à bonne distance de Kyoto – quatre heures en train et en bateau – et de Tokyo. La raison ? Une île du nom de Naoshima, coincée entre l’île principale de Honshu et celle de Shikoku. C’est là qu’en 1992 s’est ouvert le Benesse House Museum, un bâtiment construit par l’architecte vedette Tadao Ando. Il accueille la collection Fukutake père et fils, dont des pièces maîtresses de Bruce Nauman, Richard Long, Jannis Kounellis, ou encore Yukinori Yanagi. En outre, sur la plage située en contrebas du musée, ainsi que dans un parc adjacent, ont été installées des œuvres de Cai Guo-Qiang, Dan Graham, Niki de Saint Phalle, Yayoi Kusama, etc.  Dans le bourg voisin de Honmura, des maisons traditionnelles se sont métamorphosées en installations — Hiroshi Sugimoto, James Turrell, etc. —, sous le label Art House Project. Jadis connue pour ses charmants villages de pêcheurs, Naoshima s’est donc ancrée de plain-pied dans l’univers de l’art contemporain.
La deuxième étape majeure fut l’ouverture, en 2004, d’un second musée, le Chichu Art Museum, écrin de béton brut de 3 500 m2, toujours signé Tadao Ando. L’édifice est exceptionnel. D’abord par sa configuration : il est quasi enterré (chichu, en japonais). Ensuite parce qu’il n’accueille en son sein que trois artistes : James Turrell (une projection, Afrum, Pale Blue, une installation, Open Field, et une pièce à ciel ouvert, Open Sky), Walter de Maria (la vaste installation Time/Timeless/No Time) et Claude Monet (quatre toiles de la série des Nymphéas). En fait, on devrait dire quatre artistes tant l’édifice d’Ando est lui-même une œuvre à part entière.

Un architecte un artiste
Mais Soichiro Fukutake n’entend pas s’arrêter en si bon chemin, lorgnant déjà sur l’îlot d’Inujima, voisin d’une dizaine de kilomètres. C’est là que, voilà tout juste un an, il a ouvert un étrange musée baptisé Seirensho. Comme son nom l’indique, ce nouveau lieu a pris ses quartiers dans les vestiges de ce qui fut un siècle auparavant, une usine de transformation du cuivre. Pour Fukutake, Seirensho est un défi : « Nous voulions que ce projet soit un modèle pour une société qui fait de la considération pour l’environnement un souci primordial. » Aussi fait-il appel à un architecte spécialiste de l’approche environnementale, Hiroshi Sambuichi, 41 ans, et, pour la direction artistique du projet, à Yukinori Yanagi, 50 ans, dont l’œuvre est visible au Benesse House Museum. Son choix d’un binôme « architecte artiste » est tout sauf anodin. Outre l’aspect écologique du défi, Fukutake vise une homogénéité parfaite entre art et architecture. L’œuvre d’art totale en quelque sorte. Hiroshi Sambuichi développe donc un bâtiment de 2 000 m2 qui fait corps avec les anciennes ruines industrielles sans s’imposer et qui se révèle en symbiose avec le cycle perpétuel de la nature – recyclage, purification de l’eau par les plantes, exploitation intensive de la lumière naturelle. De son côté, Yukinori Yanagi investit l’espace intérieur avec plusieurs installations dédiées à l’écrivain Yukio Mishima (1925-1970), dont Hero Dry Cell, œuvre constituée notamment d’éléments de l’ancienne maison de Mishima. Le musée Seirensho est la première phase d’un projet global intitulé Inujima Art Project, lequel verra, au fil du temps, des créateurs intervenir sur la surface entière de cette île d’un demi-kilomètre carré. Le 9 avril, la Naoshima Fukutake Art Museum Foundation a d’ailleurs annoncé son prochain programme de travaux, dont la présentation officielle aura lieu début juin, lors de la 53e Biennale d’art de Venise. Pour l’occasion, de nouveaux binômes « architecte artiste » ont été créés. Ainsi, Tadao Ando a été associé à Lee Ufan pour le Lee Ufan Project à Naoshima, Kazuyo Sejima à Yuko Hasegawa pour transformer quelques maisons d’Inujima en galeries d’art, enfin Ryue Nishizawa à Rei Naito pour édifier un nouveau musée sur l’île de Teshima. La remise des clés devrait s’effectuer à l’été 2010 et coïncider avec un tout nouveau rendez-vous de l’art contemporain dans la région, qui démarrera un mois plus tard : le Setouchi International Art Festival, dont le maître d’œuvre n’est autre que Soichiro Fukutake. Décidément, on ne se refait pas.

Renseignements : Benesse Art Site Naoshima : www.naoshima-is.co.jp; Chichu Art Museum : www.chichu.jp ; Inujima Art Project : www.inujima-ap.jp ; Setouchi International Art Festival : www.setouchi-artfest.jp

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°302 du 2 mai 2009, avec le titre suivant : Du nouveau autour de Naoshima

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