Expositions

À deux, c’est mieux

Par Maureen Marozeau · Le Journal des Arts

Le 31 mars 2009 - 782 mots

L’exposition monographique n’est-elle plus de mise ?

L’abondance récente d’expositions conjuguant les rapprochements entre deux, voire trois artistes, tend à le faire penser. Faut-il y voir le reflet d’une évolution de la recherche en histoire de l’art ? Si les possibilités d’études monographiques d’artistes méconnus sont loin d’être épuisées, la connaissance des grands maîtres est aujourd’hui telle qu’elle ne peut qu’inviter à un renouvellement scientifique et intellectuel du genre. Dénoncées, souvent à tort, comme une manipulation commerciale du public et des œuvres, ces expositions proposent un subtil équilibre, entre une affiche « vendeuse » et un nouvel éclairage la plupart du temps convaincant, dont la matrice pourrait être « Picasso and Braque : Pioneering Cubism », l’exposition organisée par William Rubin en 1989 au Museum of Modern Art à New York. Désormais bien installés, les duels d’artistes se déclinent selon plusieurs variantes. Il y a d’abord les rencontres, alléchantes, des titans : « Rembrandt-Caravage » (Musée Van-Gogh, Amsterdam, 2006) ; « Matisse-Picasso » [Galeries nationales du Grand Palais (GNGP), 2002] ; « Cézanne-Pissarro » (Musée d’Orsay, 2005) et bientôt « Picasso-Cézanne » (Musée Granet, Aix-en-Provence, 2009). Suit la confrontation entre maîtres et élèves consacrés : « Manet-Vélasquez » (Orsay, 2002) ; « Ingres-Picasso » (GNGP, 2004) ; « Millet-Van Gogh » (Orsay, 1998) ; « Van Gogh-Monticelli » (Centre de la Vieille Charité, Marseille, 2008) ; et bien sûr « Picasso et les maîtres », (GNGP, Orsay et le Louvre, 2008). Moins fréquents apparaissent les sujets communs [la gare Saint-Lazare vue par Manet et Monet (Orsay, 1997)] ou la thématique transversale (le paysage chez Turner, Whistler et Monet, GNGP, 2004 ; le croquis chez Carpeaux et Daumier, Musée des beaux-arts de Valenciennes, 2008), ou encore l’amitié entre deux artistes (« Picasso et Max Jacob », Musée Picasso, 1994). L’exercice peut être poussé plus loin. En 2009, trois expositions ont élargi le propos, démontrant l’influence d’un artiste sur toute une génération [« De Corot à l’art moderne », Musée des beaux-arts, Reims ; « Ils ont regardé Matisse », Musée Matisse, Cateau-Cambrésis, et « Cézanne and beyond »(Cézanne et au-delà), Philadelphia Museum of Art, Philadelphie].

Le peintre des peintres
1994|Paris
À l’occasion du 400e anniversaire de sa naissance, Nicolas Poussin fait l’objet d’une rétrospective aux Galeries nationales du Grand Palais (GNGP). Son commissaire, Pierre Rosenberg, qualifie l’exposition d’« idéale ».

L’oiseau prend son envol
1995|Paris
Pionnier de la sculpture moderne, le Roumain Constantin Brancusi a les honneurs d’une première rétrospective dans son pays d’adoption [Musée national d’art moderne (MNAM)].

La perle
1995-1996|Washington D.C., La Haye
Vingt-trois des trente-six tableaux connus de Johannes Vermeer sont réunis pour la première fois (National Gallery of Art et Musée Mauritshuis).

Perspectives
1997|Paris
Tandis que l’effervescence et l’angoisse des « Années 30 » revivent à Paris [Musée d’art moderne de la Ville de Paris (MAMVP) et Musée des monuments français], « Face à l’Histoire 1933-1996 » tente de cerner les aspects des relations entre l’art et son époque (MNAM).

King Jackson
1998|New York, Londres
Première rétrospective new-yorkaise de Jackson Pollock depuis celle du Museum of Modern Art (MoMA) en 1967, l’événement fait écho à trois décennies de recherches sur l’œuvre de l’expressionniste abstrait (MoMA et Tate Gallery).

Docteur Gachet
1999|Paris, New York
Projet du Musée d’Orsay auquel le Metropolitan Museum of Art (Met) et le Musée Van-Gogh se sont greffés, l’exposition présente une centaine de toiles de la collection du célèbre collectionneur, mécène et peintre « faussaire » à ses heures (GNGP).

(Re)découvertes
2002|Paris
Le surréaliste français Francis Picabia (1878-1953) et l’expressionniste allemand Max Beckmann (1884-1950) ont tous deux les honneurs d’une rétrospective levant le voile sur des œuvres demeurés méconnus en France (respectivement au MAMVP et au MNAM).

Belles feuilles
2003|Paris
En parallèle avec le Musée Condé à Chantilly, la Bibliothèque nationale de France propose une rétrospective exceptionnelle de l’œuvre de Jean Fouquet, peintre et enlumineur du XVe siècle.

« Paris 1400 »
2004|Paris
Brillante présentation au Musée du Louvre autour du règne de Charles VI, une période sombre sur un plan politique mais d’une rare richesse artistique.

Génie et folie en occident
2005|Paris, Berlin
Histoire séculaire que celle de la « Mélancolie » et de son iconographie, orchestrée de main de maître par Jean Clair (GNGP et Neue Nationalgalerie).

Grand Dada
2005|Paris
Le Centre Pompidou réussit le pari ambitieux d’une exposition sur Dada, mouvement dont la raison d’être est la remise en question de toutes les dimensions de l’art.

Quatorze siècles de création
2007|Bruxelles
Dans le cadre du festival Europalia, « Le grand atelier » dresse un panorama époustouflant de l’histoire de l’art européen (Palais des beaux-arts).

Le maître du Quattrocento
2008|Paris
Andrea Mantegna fait enfin l’objet d’une rétrospective aussi érudite qu’éblouissante au Musée du Louvre.

Et aussi…

1995|Dans « Rembrandt/Not Rembrandt », le Met (New York) réévalue publiquement l’authenticité des tableaux du maître dans ses collections. Moins de la moitié sont alors reconnus par la communauté scientifique.

1995|« Trésors cachés et révélés » à l’Ermitage (Saint-Pétersbourg) et « Sauvés à deux reprises » au Musée Pouchkine (Moscou) dévoilent les œuvres saisies par l’armée soviétique dans les collections publiques et privées de l’Allemagne nazie.

1996|125 chefs-d’œuvre absolus des musées du monde entier sont rassemblés en dehors de tout propos scientifique pour « Rings : five passions in world art », organisée au High Museum d’Atlanta à l’occasion des Jeux olympiques.

2004|1,2 million de visiteurs se pressent à la Neue Nationalgalerie de Berlin pour y découvrir les chefs-d’œuvre du MoMA, prêtés le temps des travaux de rénovation du musée new-yorkais.

2008|La Russie, inquiétée par les requêtes des héritiers Chtchoukine et Morozov, hésite jusqu’au dernier moment à prêter ses œuvres à la Royal Academy de Londres, pour « From Russia ».

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°300 du 3 avril 2009, avec le titre suivant : À deux, c’est mieux

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