S'il n'y en a qu’une... ce sera Tefaf

Par Armelle Malvoisin · Le Journal des Arts

Le 3 mars 2009 - 1592 mots

Encore plus prisée en temps de crise, la foire de Maastricht s’ouvre un peu plus et gagne du terrain sur le marché du design et de la photographie.

À l’heure où les foires et salons peinent à remplir leurs stands, annulent leur édition à venir ou disparaissent purement et simplement, The European Fine Art Fair (Tefaf) de Maastricht se renforce. Elle est la foire internationale que tous les marchands convoitent, incontournable pour la variété et la qualité de ses exposants qui attirent chaque année une armée de collectionneurs férus, venus du monde entier, et les plus prestigieuses institutions. S’il n’y a qu’une foire à faire, en cette période de restrictions budgétaires, ce sera celle-là. Encore faut-il pouvoir y entrer. Pour l’édition 2009, du 13 au 22 mars, les organisateurs de Tefaf ont ouvert la porte à quelques candidatures supplémentaires, pour un total de 240 stands, soit dix-huit de plus que l’an dernier. Cette extension a été possible grâce à l’ouverture de nouvelles parties du bâtiment conjuguée à une réduction de certains espaces d’exposition. Ainsi, Tefaf a pu compléter sa panoplie de foire multicartes dans les domaines du design (lire l’encadré) et de la photographie. « C’est la première fois que la photographie est représentée à Tefaf, confirme Ben Janssens, président du comité exécutif de Tefaf. Suite à la participation de Serge Plantureux [Paris] à la section Showcase l’an dernier, l’idée nous a semblé intéressante de représenter ce domaine de collection ». La photographie est ainsi proposée par deux nouveaux entrants : Hans P. Kraus de New York, le pape des maîtres primitifs, et la galerie berlinoise Kicken, avec Noire et Blanche (1926), une image iconique de Man Ray proposée à 600 000 euros. Cette mini-section photo est renforcée par la présence de l’éclectique Daniel Blau qui jongle avec l’art contemporain, la photographie et les arts premiers. La photo est aussi le domaine de prédilection de la galerie Flo Peters, installée à Hambourg et qui est invitée dans le cadre de Showcase. Créée l’an dernier, Showcase est une plateforme accueillant sept jeunes marchands dans des domaines très divers. Pour Otto Jakob (Karlsruhe) et ses bijoux contemporains, invité l’an dernier, cela a même été un tremplin pour son entrée à la Tefaf 2009. Selon les organisateurs de la foire, Showcase apporte un peu de sang neuf susceptible de drainer une nouvelle clientèle, en même temps qu’elle aborde des disciplines peu courues, telles que l’art contemporain japonais chez Katie Jones (Londres), l’art islamique chez Alexis Renard (Paris) ou encore l’argenterie de Georg Jensen à la galerie Alastair Crawford (New York). Y aurait-il encore un domaine de collection non couvert par la Tefaf ? « Il nous manque l’art japonais classique », rétorque Ben Janssens. Reste à savoir comment cette arche de Noé du marché de l’art surmontera la tempête économico-financière.

Importants tableaux anciens
« La crise est là, on ne peut pas le nier, admet Ben Janssens. Personne n’attend des miracles mais dans le contexte actuel, l’art classique n’apparaît pas comme un mauvais placement ». Déçu de sa dernière participation en janvier 2009 à Brafa (Brussels Antiques & Fine Arts Fair) où l’affaire de la banque Fortis a plombé l’ambiance, le marchand parisien Éric Coatalem va à Maastricht « la fleur au fusil ». En se basant sur les dernières ventes de tableaux anciens de New York où tout ce qui était beau et rare, en bon état et correctement estimé, a trouvé facilement preneur, il a composé un stand très français avec une Présentation au Temple par Laurent de la Hyre ; une Crucifixion de Charles Le Brun, tableau uniquement connu grâce à une gravure avant sa récente redécouverte, ainsi qu’une belle huile sur papier de Alexandre-François Desportes, représentant Un Épagneul à l’arrêt. La section des tableaux anciens, noyau dur de la foire, sera enrichie de L’Étalon noir et son palefrenier que l’artiste néerlandais Roelandt Savery aurait peint pour l’empereur Rudolf II de Habsbourg à Prague au début du XVIIe siècle, mis en vente par la galerie de Jonckheere (Paris) pour 600 000 euros ; Tête de philosophe au chapeau rouge, issue d’une série de portraits de philosophes exécutée par Giandomenico Tiepolo, chez Åmells, ou encore David et Bethsabée (1534), huile sur panneau de Lucas Cranach l’Ancien présentée par la galerie Bernheimer-Colnaghi (Munich-Londres).

Des collectionneurs actifs
Maastricht sera aussi un vrai test pour l’art moderne et contemporain. Daniella Luxembourg Fine Art (Londres) et Ben Brown Fine Arts (Londres) font leur entrée dans ce secteur. « Les choses sont moins problématiques que l’on aurait pu le croire, se rassure le galeriste parisien Franck Prazan. Les ventes de Londres ont prouvé que les collectionneurs restaient actifs ». Ce dernier présentera un ensemble de tableaux de l’École de Paris provenant d’une importante collection européenne dont une peinture de Pierre Soulages datée de 1958, proche par sa qualité, ses dimensions et sa date de réalisation à celle adjugée le 10 décembre dernier à Paris chez Sotheby’s au prix record de 1,5 million d’euros. Le cutting edge (art ultra-contemporain) sera à nouveau à l’affiche de la galerie Haunch of Venison (propriété de Christie’s) avec au programme une vidéo Transfiguration (2007) de Bill Viola et une toile de Richard Prince, Untitled (de Kooning) (2007).
Aux antipodes de l’art actuel, les chefs-d’œuvre des siècles passés s’égrènent à Maastricht au fil des stands. Marcel Nies Oriental Art (Anvers) présentera une statue en bronze cambodgienne de 47 cm, vers 1200, représentant le grand roi khmer Jayavarman comme le Bouddha, soit la plus grande statue connue de ce type. Chez le Londonien Sam Fogg, l’on découvrira Le Pontifical de Ferry de Clugny, Cardinal et Évêque de Tournai, un superbe missel enluminé réalisé à Bruges vers 1475-1476 et, à la galerie Royal-Athena (New York), une importante statue de bronze égyptienne représentant une prêtresse d’Amon (945-715 avant J.-C.), la seule de ce type à être restée en mains privées, à un prix affichée de 2,9 millions d’euros. Chez Luis Alegria (Porto), la vedette revient à une saucière en porcelaine coquille d’œuf de Chine, qui aurait été réalisée au XVIIIe siècle à l’occasion de l’union de Maria Theresa et Francis de Lorraine.

Cap sur le Design
Les Arts décoratifs du XXe siècle et le design sont à l’honneur cette année à la foire de Maastricht avec Tefaf Design, une nouvelle section entièrement consacrée à cette spécialité. « Nous y pensions depuis un moment, rapporte Ben Janssens, président du comité exécutif de Tefaf, mais nous manquions d’espace pour ce domaine de collection de plus en plus prisé. Cette année, nous avons fait un effort et aménagé un lieu dédié. Nous avons invité huit professionnels internationaux, abordant des époques et des styles très divers. » Tefaf Design sera logée dans un nouveau lieu d’exposition situé au premier étage du bâtiment de la foire. On y retrouve trois habitués de Tefaf : le Parisien François Laffanour (galerie Down Town) et les Bruxellois Philippe Denys et Yves Macaux. Ils sont rejoints par le marchand parisien Éric Philippe qui présente un ensemble de pièces suédoises, danoises, allemandes et américaines des années 1920 à 1950, encore jamais montrées, dont un canapé en chêne massif sablé (1932) réalisé en deux exemplaires par l’architecte designer suédois Axel Hjort. Désireuse de s’ouvrir sur une nouvelle clientèle, la galerie L’Arc en Seine (Paris) inaugure cette nouvelle section maastrichtienne, notamment avec une suite de onze chaises de Jean-Michel Frank créée en 1937 pour la salle à manger de Nelson Rockefeller à New York, venant directement de la famille. Les trois autres participants sont la galerie Ulrich Fiedler de Berlin ; le Viennois Bel Etage Kunsthandel, spécialiste du Jugendstil, et la galerie new-yorkaise Sebastian Barquet, qui vient avec des chefs-d’œuvre du design américain et européen des années 1940 à 1960 ; un banc conoïde (vers 1974) de George Nakashima, provenant de la Rockefeller Japanese House à Pocantico Hills (New York), et une armoire verticale à double porte sculptée de Paul Evans (1972), issue de la Dorsey Reading Collection.

Tefaf au rapport
Dernier numéro d’une série de rapports commandés par Tefaf, l’étude Globalisation and the Art Market, Emerging Economies and the Art Trade in 2008 (La mondialisation et le marché de l’art, les économies émergentes et le commerce de l’art en 2008), réalisée par l’économiste Clare McAndrew, analyse la manière dont le marché de l’art s’est développé en Chine, Inde, Russie et Moyen-Orient, participant au changement fondamental dans la géographie des achats d’œuvres d’art. Elle évalue aussi l’impact des acheteurs internationaux sur le marché, en analysant certaines habitudes de dépense de ces nations aux collectionneurs fortunés. Non sans enfoncer des portes ouvertes, le rapport souligne l’apparition de nouveaux clients internationaux, très aisés, motivés par la réalisation d’investissements, le prestige, l’effet de mode et le nationalisme. Il conclut que, si ces nouveaux acheteurs, en partie issus des économies émergentes, ont fait monter les prix dans certains secteurs du marché et notamment dans celui de l’art contemporain, leur effet en d’autres domaines semble plus limité. Malgré la crise ressentie ces derniers mois dans les ventes d’art contemporain (qui est soit un signe de déclin, soit une correction tardive du marché), d’autres secteurs du marché de l’art, tels que les tableaux de maîtres anciens, ont enregistré d’excellents résultats. Il est aussi indiqué que l’apparition de nouveaux collectionneurs issus des économies émergentes a contribué à protéger le marché de l’art de la situation économique actuelle. Enfin, conjecture positive : en dépit du fait que le marché de l’art est affecté par la baisse des revenus disponibles, un éventuel « effet de substitution » pourrait subvenir, du fait de l’utilisation de l’art comme un domaine alternatif d’investissements.

TEFAF, du 13 au 22 mars, Exhibition and Congress Centre (MECC), Maastricht, Pays-Bas, www.tefaf.com, tlj 11h-19h, le 22 mars 11h-18h.

TETAF
Organisation : The European Fine Art Foundation
Nombre d’exposants : 240
Nombre de visiteurs en 2008 : 73 000

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°298 du 6 mars 2009, avec le titre suivant : S'il n'y en a qu’une... ce sera Tefaf

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