Patrimoine

À céder : Vieux Bruxelles

Par Sophie Flouquet · Le Journal des Arts

Le 3 mars 2009 - 638 mots

Une collection d’éléments architecturaux sera dispersée début avril.

BRUXELLES - C’est un ensemble hétéroclite de plus de 1 400 éléments architecturaux du Vieux Bruxelles qui sera dispersé lors d’une drôle d’exposition-vente, début avril. Dans un entrepôt industriel voué à une démolition prochaine, portes, vitraux, éléments de cheminées, lambris, balustres et autres cache-boulin, allant du style classique à l’Art déco, ont été soigneusement rangés par Alain Rosendor, propriétaire de cet incroyable bric-à-brac avec sa sœur, Diane Rosendor. Tous ont été accumulés au cours des années 1960 et 1970 par leur père, qui fut l’un des nombreux entrepreneurs en démolition alors actifs à Bruxelles. La capitale belge vivait ce que les urbanistes appellent encore aujourd’hui la « bruxellisation », soit une vaste opération d’urbanisme faisant table rase de tous les immeubles anciens, menée anarchiquement par quelques promoteurs. La Maison du peuple (1896-1898) construite par Victor Horta en aura été l’une des victimes les plus célèbres, mais nombreuses sont les maisons du quartier Nord, datant du XVIIIe siècle au XXe siècle, à être tombées sous les grues des entrepreneurs pour faire place à des immeubles de bureaux. L’objectif était alors de faire du centre de la ville un nouveau Manhattan, en vue de la préparation de l’Exposition universelle de 1958.
Max Rosendor a donc été l’un de ces démolisseurs. Mais le modeste entrepreneur, qui était sylvicuteur de formation et ne possédait qu’un camion-grue, s’est entiché de ses victimes au point de conserver méthodiquement tout ce qui lui semblait agréable à l’œil. « Il y a quarante ans, personne ne voulait de ces objets, explique Alain Rosendor. Aujourd’hui, on voit pourtant réapparaître des copies sur les façades de la ville ». Certaines pièces ont alors été confiées aux Archives de Saint-Luc, qui ont mené, dans l’urgence, un inventaire photographique sommaire. Les autres sont stockées dans des entrepôts. Un projet de musée dans une ancienne écluse n’aboutira jamais, signe du désintérêt pour le patrimoine historique de la ville. Décédé en 1996, Max Rosendor, devenu le ferrailleur du Vieux-Bruxelles, a donc laissé cet encombrant héritage, déménagé de hangar en hangar à plusieurs reprises. Ses enfants souhaitent ne pas laisser cette charge à leurs héritiers. Mais plutôt que de se lancer dans une vaste entreprise commerciale, ils ont préféré rendre hommage à la démarche de leur père en faisant connaître la collection avant de la vendre à des prix somme toute modiques. « Nous sommes dépositaires d’une partie de Bruxelles », explique Alain Rosendor en arpentant les allées du hangar. Une vente aura donc lieu, précédée de visites guidées organisées par une association bruxelloise, Arkadia, spécialiste du patrimoine de la ville. L’essentiel des pièces est constitué d’éléments disparates et aucun n’est véritablement documenté. Mais quelques historiens ont identifié un ensemble plus important, celui des portes et autres éléments de façade de la maison Govaert (1895), une maison Art Nouveau du boulevard Bischoffsheim, dont la photographie fut publiée dans plusieurs ouvrages. Pour le reste, les Rosendor comptent « sur la mémoire des Bruxellois pour retrouver l’histoire ». Plusieurs musées ont, par ailleurs, été contactés. « Chacun doit prendre ses responsabilités », précise Alain Rosendor qui estime avoir fait le nécessaire pour prévenir les autorités. Curieusement, l’expert chargé d’organiser la vente, Sylvain Berkowitsch, également galeriste à Bruxelles, a préféré opter pour une exposition-vente qui risque de laisser de nombreux amateurs sur leur faim en cas de forte affluence. « Il était trop difficile d’obtenir une autorisation pour organiser une vente aux enchères », explique l’expert, sans vraiment convaincre.
Après de longues années d’amnésie, les Bruxellois semblent à nouveau sensibles à ce pan de l’histoire de leur ville.

Collection Rosendor, exposition-vente du 3 au 13 avril, 12h-14h30, le 2 avril pour les professionnels, 8h-10h, Rue Navez, 90, Bruxelles (quartier pont Van Praet). Visites guidées sur réservations, Arkadia, 2/4, rue Royale, Bruxelles, tél. 32 (0) 2/563 61 53, www.asbl-arkadia.be

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°298 du 6 mars 2009, avec le titre suivant : À céder : Vieux Bruxelles

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