L’actualité vue par Olivier de Rohan

Directeur général de la Fondation du patrimoine

Le Journal des Arts

Le 30 janvier 1998 - 923 mots

Ancien élève de l’École supérieure de commerce de Paris, Olivier de Rohan s’est occupé de marketing chez Nestlé, puis Danone, avant de se tourner vers les ressources humaines chez un chasseur de têtes. Président des Amis de Versailles depuis dix ans et vice-président de l’Association de sauvegarde de l’art français, il est depuis juillet dernier directeur général de la Fondation du patrimoine (lire page 21). Il commente l’actualité.

Catherine Trautmann envisage le recours à la Loterie pour financer certaines festivités de l’an 2000 ? Faut-il l’étendre au patrimoine et aux musées ?
Tout ce qu’on peut faire, c’est le souhaiter et le demander. Plus nous pourrons trouver de sources de financement dans ce domaine-là, plus nous serons heureux. Le ministère de la Culture manque et manquera toujours d’argent pour la restauration des monuments classés.

L’implantation du futur Musée des arts premiers doit bientôt être annoncée. Quel est votre sentiment sur ce projet, et notamment sur l’implantation d’une antenne au Louvre ?
En tant que membre du conseil des Amis du Louvre, je peux vous en parler. C’est un secret de polichinelle que les conservateurs du musée ne sont pas enthousiastes à l’idée d’accueillir les arts premiers. Il y a des avantages et des inconvénients aux solutions proposées. S’il n’y a pas lieu d’ouvrir une guerre de religion pour ça, il serait certainement souhaitable de prendre le temps d’en discuter et de le faire en public. Souhaitons qu’aucune décision ne soit prise avant que toutes les personnes concernées n’aient eu l’occasion de donner leur point de vue. Le Louvre a eu jadis le Musée de la marine en son sein, il n’y est plus ; les choses vont et viennent. C’est le genre de sujet sur lequel on aime bien s’enflammer en France, et c’est très bien ainsi.

Comment envisagez-vous l’avenir du Musée des monuments français ?
Les conservateurs sont très passionnés par le musée qu’ils sont en train de construire. Le projet serait peut-être remis en cause. À chaque fois qu’il y a un changement d’équipe, se pose ce genre de problème, c’est comme ça. Quand il s’agit d’un projet d’une grande ampleur, comme celui-là, il n’y aurait que des avantages à ouvrir le débat sur la place publique. À Versailles, le projet de réaménagement des jardins a été mené par Jean-Pierre Babelon de façon très ouverte. Il a pris soin d’informer en permanence la presse d’une part, et le public d’autre part, de chaque modification, des raisons pour lesquelles on la faisait et des objectifs poursuivis. Grâce à cela, des changements importants ont pu être apportés sans que personne ne proteste, en particulier quand il a fallu abattre des arbres. Si ces précautions n’avaient pas été prises, on aurait entendu des hurlements.

Quels sont les projets du Grand Versailles ?
Les Amis de Versailles ne siégeant pas au conseil d’administration de l’établissement public – qui comprend pourtant aussi des “personnalités extérieures” –, nous ne sommes pas informés. Le président des Amis du Louvre est dans la même situation. Ce serait pourtant la moindre des choses qu’un président qui représente 70 000 personnes, le public le plus fidèle et le plus généreux du Louvre, soit au conseil d’administration de l’établissement : il devrait être la première personnalité extérieure à y siéger.

Quelles expositions récentes avez-vous apprécié ?
Si on allait à toutes les expositions que l’on a envie de voir, il faudrait être à la retraite. J’ai vu comme tout le monde “La Tour”, qui est admirable, mais aussi “Les Parisiens au temps du Roi-Soleil” à Carnavalet, et “Pajou” au Louvre, extrêmement intéressante et bien présentée. Mais il faut rappeler qu’il y a des choses remarquables dans les musées, qu’on peut voir en dehors des expositions et souvent beaucoup mieux. C’est le rôle des Sociétés d’Amis d’être là en permanence pour relancer l’intérêt.

Avez-vous visité les salles égyptiennes du Louvre ?
J’ai beaucoup apprécié qu’on ait conservé les salles du Musée Charles X, pour lequel j’ai une prédilection certaine. Elles ont le charme des premières amours de la France et de l’égyptologie. On a encore là l’impression d’être dans un palais, ce n’est pas une grande clinique pour œuvres d’art.

Les mises en cause de commissaires-priseurs se succèdent. Votre opinion ?
C’est un monde que je ne connais pas, presque volontairement. Étant en situation d’acheter des œuvres d’art pour le compte des autres avec un argent qui n’est pas le mien, je préfère me tenir éloigné de ces problèmes-là. Je me réjouis de voir le marché s’ouvrir, mais le système fiscal qui encourage la vente d’objets français à l’étranger est regrettable. Si Paris pouvait devenir le premier marché de l’art du monde, il y aurait des avantages pour tout le monde. Quand il s’agit de fiscalité, le ministère des Finances a sa logique, qui n’est pas toujours facile à comprendre. Au moment où l’on ouvre le marché, on prend, avec notre fiscalité, le risque d’une hémorragie fâcheuse. Ceci dit, pour que les objets reviennent en France, le plus sûr serait qu’il y ait dans notre pays de riches collectionneurs : sans cela, inévitablement et d’une façon ou d’une autre, nos collections iront à l’étranger. En matière fiscale, le problème le plus préoccupant est une nouvelle interprétation du ministère des Finances de la loi sur les associations. Elle supprimerait la déductibilité fiscale pour les cotisations, sous prétexte que celles-ci donnent lieu à une contrepartie, dont la première serait le droit de voter à l’assemblée générale. Si cette interprétation est confirmée, ce serait un coup très dur porté à toute la vie associative, au moment où l’on devrait la favoriser.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°53 du 30 janvier 1998, avec le titre suivant : L’actualité vue par Olivier de Rohan

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