MNR, la suite du feuilleton

Un musée allemand revendique des tableaux saisis en 1945

Par Le Journal des Arts · Le Journal des Arts

Le 30 janvier 1998 - 505 mots

La présentation l’année dernière de la totalité des biens récupérés après la Seconde Guerre mondiale, dits MNR (Musées Nationaux Récupération), vient de connaître une suite inattendue. Un musée allemand affirme que certains tableaux ne relèvent pas de cette catégorie, mais n’a pas encore apporté de preuves. Aucune revendication officielle n’a été formulée à ce jour.

WUPPERTAL (Allemagne). Le Musée von der Heydt (anciennement Elberfeldt), à Wuppertal, a identifié parmi les MNR présentés l’an dernier dans les musées français des tableaux de maîtres disparus de ses collections depuis 1945. Y sont toujours portées manquantes 220 œuvres, dont 180, considérées comme dégénérées, ont été escamotées par les nazis eux-mêmes. Sabine Fehlemann, directrice du musée, réclame aujourd’hui la restitution par le Louvre et les musées français d’une quinzaine de toiles, parmi lesquelles une Baigneuse de Renoir, un Maréchal-ferrant arabe et un Marchand de bijoux par Delacroix, une Tête de Zeus d’Ingres ou encore Le port de Camaret par Boudin. C’est par un fax détaillant une étude de nu de Renoir, expédié par le Louvre début 1997, qu’elle a découvert leur existence. À Paris, elle examine l’œuvre : le dos du cadre porte les mentions “Provient du dépôt de Coblence - Vendu par Bignon pour 150 000 FF au musée de Wuppertal - Deuxième convoi Baden-Baden”.  Elle retrouve au Louvre d’autres tableaux, porteurs de la mention “Musées nationaux récupération”, en identifie d’autres encore sur le site Internet du musée.

Des œuvres achetées par les nazis pendant l’Occupation
Mis à l’abri des bombardements alliés à Coblence, ils ont été saisis par les troupes d’occupation françaises, transportés à Baden-Baden, puis à Paris. “Entre 1944 et 1949, explique Robert Fohr, de la Direction des musées de France (DMF), 61 000 œuvres et objets d’art provenant de France ont été récupérés par les Alliés. Plus de 45 000 ont été rendus aux propriétaires, 13 000 dénués de valeur artistique ont été vendus, et la Direction des musées s’est fait attribuer les 2 000 restants, dont les musées sont les dépositaires précaires”. Ces 2 000 MNR ont été un peu rapidement catalogués “trésor de guerre” en Allemagne, mais aussi en Au­triche, où nombre d’entre eux ont été saisis. Les Allemands, qui négocient depuis des années la restitution du butin de l’Armée rouge, sont particulièrement sensibles à ce problème. Pourtant, objecte Robert Fohr, les MNR sont “dans une très grande majorité” des œuvres achetées sur le marché de l’art parisien pendant l’Oc­cupation, pour des musées allemands ou de grands collectionneurs comme Hitler, Gœring ou Ribbentrop. Ces toiles tombent donc sous le coup d’une déclaration de 1943. Adoptée par les Alliés et entrée dans le droit français sous forme d’une ordonnance, elle annule toutes les transactions faites dans un territoire occupé, même lorsqu’elles avaient les apparences de la légalité. Sabine Fehlemann assure que certaines des œuvres ont été achetées avant l’Occupation, mais elle n’a pu préciser à la DMF les dates d’acquisition. Officiellement, aucune revendication d’État à État n’a été formulée. Le ministère allemand de l’Intérieur a même appelé la directrice du musée à la “patience”.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°53 du 30 janvier 1998, avec le titre suivant : MNR, la suite du feuilleton

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