Memorabilia

Les adieux au France

Par Armelle Malvoisin · Le Journal des Arts

Le 17 février 2009 - 781 mots

Un raz-de-marée de nostalgiques de l’âge d’or du paquebot français a envahi l’hôtel de ventes d’Artcurial à Paris.

PARIS - Les 8 et 9 février chez Artcurial, un flot inhabituel de personnes se pressaient pour assister à la dispersion de près de 450 souvenirs du mythique paquebot France – rebaptisé Norway en 1979 –, dont le démantèlement s’est achevé en Inde à la fin 2008. « La charge émotionnelle était très forte. Un très nombreux public s’est déplacé, venu de toute la France. Il comptait beaucoup de gens ayant travaillé sur le France, parfois accompagnés de leur famille. Certains avaient la larme à l’œil à l’exposition », rapporte François Tajan, le commissaire-priseur de la vente. Tous n’ont pu entrer dans la salle de ventes d’Artcurial. La maison avait prévu une connexion Internet pour enchérir en direct depuis un ordinateur, système qui a séduit une trentaine d’enchérisseurs depuis l’étranger.
Signe de la présence d’un public profane, des acclamations retentissaient à chaque fois qu’un lot s’envolait au-delà de quelques milliers d’euros. Pour la star de la vacation, le nez du paquebot, sculpture monumentale en acier de 2,35 mètres de haut et d’un peu plus de quatre tonnes exposée dans la cour de l’hôtel Dassault, les enchères ont démarré à 50 000 euros. Estimée 100 000 euros, la pièce a été disputée par cinq enchérisseurs dont deux personnes dans la salle qui ont lutté jusqu’au prix final de 273 200 euros. L’acquéreur du nez du France est Jean-Pierre Véron, promoteur immobilier basé à Paris, président de la société Norev Développement. Ce mécène et amateur d’art contemporain cherchait une œuvre d’art à placer au centre d’un programme immobilier appelé « Blue Bay » à Port-Deauville, dans un jardin situé face à la mer et au Havre. Le sous-enchérisseur, Didier Spade, dirigeant une marina et une flotte de bateaux au port de Grenelle à Paris, est à l’origine d’un projet pour la reconstruction du paquebot France. Il avait prévu d’exposer le fameux nez sur les quais de Paris, à deux pas de la tour Eiffel. De plus, Didier Spade est le petit-fils de Batistin Spade, grand décorateur d’une trentaine de paquebots parmi lesquels le France.

Cap sur Deauville, escale à Paris-Seine
Jean-Pierre Véron et Didier Spade, qui se sont rencontrés à l’issue de la vente, ont conclu un accord, sous la forme d’un prêt de nez qui arrange tout le monde : le projet du premier étant en chantier pour quelque temps, le nez du France ira faire une escale de six mois chez le second, au port de Grenelle.
Le mobilier du paquebot a fait des émules. Les rampes de Raymond Subes provenant de la grande descente des premières classes ont totalisé 101 700 euros. Certaines rampes ont été achetées par l’homme d’affaires brésilien qui a acquis un tronçon d’escalier de la tour Eiffel pour 80 550 euros, le 20 octobre 2008 à Drouot (SVV Ader). Ce dernier a aussi emporté, pour 50 100 euros, la suite de sept panneaux en laque polychrome à décor d’un port, réalisés par Alvo pour le hall d’entrée des classes touristes du France. Le grand guéridon de Jules Leleu provenant de la bibliothèque est parti à 54 500 euros tandis que la table ronde de lecture, toujours de Leleu, a été adjugée 37 700 euros. Un grand lustre de 3,10 m de diamètre par Gilbert Poillerat, qui se situait dans le fumoir des premières classes, est monté à 19 100 euros. Notons encore une grande commode laquée bleue à imitation d’écaille de tortue, par Henri Lancel, achetée 8 300 euros par l’écomusée de Saint-Nazaire pour la reconstitution d’une chambre du France.
Du côté des objets souvenirs et documents de l’époque, ce fut l’euphorie : 1 100 euros pour un ensemble de huit menus illustrés par Jean Adrien Mercier, estimé 200 euros ; 2 400 euros pour un seau à champagne en métal argenté sur piétement en provenance du Norway, soit dix fois l’estimation, ou encore 1 000 euros pour deux exemplaires de la revue Paris-Match « spécial France » datés de décembre 1961. Pour ne pas repartir bredouilles, les nostalgiques du paquebot ont poussé les enchères encore plus haut le second jour de vente. Par exemple, un maillon de la chaîne d’ancre avant tribord du France s’est envolé à 7 900 euros le 9 février, contre une enchère à 4 100 euros la veille. Deux morceaux de cheminée avant, montés sous Plexiglas, sont partis à 2 700 et 3 300 euros le premier jour. Le lendemain, deux autres fragments de cheminée ont grimpé à 5 100 et 8 300 euros.

PAQUEBOT « France »
Résultat : 1,1 million d’euros
Nombre de lots vendus/invendus : 423/23
Lots vendus : 95 %

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°297 du 20 février 2009, avec le titre suivant : Les adieux au France

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