Art impressionniste et moderne

Stratégies payantes

Par Armelle Malvoisin · Le Journal des Arts

Le 17 février 2009 - 744 mots

Fruit d’une étude de marché pointue, le succès des premières ventes à Londres chez Sotheby’s et Christie’s réconforte le négoce.

LONDRES - Les ventes d’art impressionniste et moderne qui se sont déroulées à Londres les 3 et 4 février chez Sotheby’s et Christie’s ont obtenu des résultats très encourageants. 126,3 millions de livres sterling (141,2 millions d’euros) d’œuvres d’art ont changé de mains, en incluant les ventes du jour des 4 et 5 février. En moyenne, 80 % des lots ont trouvé preneur. Ce taux était descendu jusqu’à 60 % au cours des six derniers mois. La baisse de la livre sterling a donné 20 % de pouvoir d’achat supplémentaire aux collectionneurs européens, venus enchérir en nombre. « Nous ne sommes plus dans un marché où l’on peut tout vendre, lance Andrew Strauss, spécialiste international en art impressionniste et moderne chez Sotheby’s. Aussi, nous avons dû construire cette vente dans le contexte actuel. » Le catalogue de la vente du soir, particulièrement mince (29 lots), fruit d’une sélection rigoureuse mais aussi reflet de collectionneurs peu enclins à vendre, tenait compte des nouvelles donnes du marché, tourné vers des œuvres plaisantes proposées à des prix raisonnables.
La Petite danseuse de quatorze ans (1879-1881), pièce emblématique d’Edgar Degas, a été vendue chez Sotheby’s, à son estimation haute, à un collectionneur asiatique pour 13,2 millions de livres, un record pour une sculpture de l’artiste. Deuxième plus haute enchère, Straßenszene (Scène de rue) (1913-1915) de E. L. Kirchner, a été adjugée 5,4 millions de livres sterling, à peine son estimation basse. Mais c’est un beau résultat pour ce tableau qui obtint le prix record pour l’artiste le 24 juin 1997 à Londres chez Sotheby’s, sur une enchère de 1,9 million de livres. Trois déceptions portent sur des œuvres surestimées et ravalées : Cariatide (1913) d’Amedeo Modigliani (est. 6 millions de livres) ; Danseuses au foyer (vers 1901), pastel de Degas (est. 3,5 millions de livres), et Le Jardin de Maubuisson, Pontoise (1881) de Camille Pissarro (est. 2 millions de livres).
« C’est vrai que les impressionnistes ont pris un coup de vieux », note Thomas Seydoux, directeur du département international d’art impressionniste et moderne chez Christie’s. La maison de ventes avait une vacation plus musclée mais également plus risquée. Pour Dans la Prairie (1876), toile majeure de Claude Monet estimée 15 millions de livres, elle a finalement convaincu son vendeur d’accepter une offre inférieure. Les enchères se sont arrêtées à 11,2 millions de livres, un chiffre équivalent au prix d’achat du tableau à New York chez Sotheby’s en 1999. Mais pour Thomas Seydoux, « la stratégie de baisser les estimations marche surtout pour l’art moderne pour lequel il y a une forte demande ». Estimé seulement 3,5 millions de livres, le tableau Les Deux Filles de Modigliani s’est envolé à 6,5 millions de livres, au-dessus de son estimation haute.

Quarté gagnant
Christie’s avait aussi décidé de présenter à la suite quatre toiles de Kees Van Dongen provenant d’une même collection française, et soulignées d’estimations attractives. Chacune étant de sujet, de période et d’attrait différents, elles ne risquaient pas de se nuire mutuellement. « Pour mettre en place notre stratégie sur Van Dongen, il a fallu que le vendeur nous suive les yeux fermés, précise Thomas Seydoux. Nous avions recensé quatre-vingt-six enchérisseurs et sous-enchérisseurs d’œuvres de Van Dongen chez Christie’s sur les quatre dernières années, des amateurs de tableaux fauves aussi bien que de toiles décoratives du peintre. » Le résultat a été probant. Le premier tableau, le plus fort graphiquement, Femme aux deux colliers (vers 1910), a été adjugé 1,3 million de livres sterling, doublant son estimation haute. Le deuxième, le plus beau, La Cuirasse d’or (vers 1907), est monté à 2,9 millions de livres, soit son estimation haute. Pour le troisième, le plus commercial, La Gitane (vers 1917-1918), les enchères se sont généreusement élevées jusqu’à 1,1 million de livres. C’est également le prix atteint par le quatrième, La Femme au collant vert (1905), de la période fauve. Et Thomas Seydoux de conclure : « À présent, nous sommes plus des experts en marché de l’art que des spécialistes en tableaux ! »

SOTHEBY’S
Résultats : 32,5 millions de livres sterling (35,9 millions d’euros)
Nombre de lots vendus/invendus : 22/7
Lots vendus : 76 %
Pourcentage en valeur : 68 %

CHRISTIE’S
Résultats : 63,4 millions de livres sterling (70 millions d’euros)
Nombre de lots vendus/invendus : 39/8
Lots vendus : 83 %
Pourcentage en valeur : 88 %

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°297 du 20 février 2009, avec le titre suivant : Stratégies payantes

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