Kisho Kurokawa

Une exposition d’architecture qui privilégie la scénographie

Le Journal des Arts

Le 13 février 1998 - 427 mots

Première d’une série d’expositions d’architecture présentées par la Maison de la culture du Japon à Paris, la rétrospective consacrée à Kisho Kurokawa, quoique riche en matériaux, souffre de privilégier la beauté de la scénographie au détriment de la compréhension du travail de cet architecte.

PARIS. Né en 1934, Kisho Kurokawa est de la génération (Tadao Ando, Fumihiko Maki...) qui a contribué à (re-)construire l’identité architecturale nippone en enrichissant les rigueurs du modernisme – représenté au lendemain de la guerre au Japon par Kenzo Tange – des subtilités de l’héritage traditionnel. Délibé­rément globale, la rétrospective nous invite à découvrir l’œuvre de l’architecte sous tous ses aspects, sans nous permettre cependant de véritablement rentrer dans aucun, l’élégance et la cohérence de la scénographie ayant semble-t-il primé sur la pédagogie. Ainsi, la présentation des projets récents sous forme de maquettes minuscules – que le visiteur est invité à regarder à la loupe ! – de même que le choix de rappeler ceux de sa première période (dite du “métabolisme”) sous forme de photographies géantes teintées de rouge tapissant les murs, ou encore le principe d’un sol recouvert par un “tapis” de croquis protégés d’une plaque de Plexiglas, s’avèrent des options plus percutantes visuellement que réellement didactiques. Dans le catalogue, la lecture des longs textes de Kurokawa conforte ce premier sentiment : l’ambition théorique est tellement vaste qu’elle en devient nébuleuse. L’architecte japonais y formule l’idée selon laquelle nous sortirions de “l’âge de la machine”, qui est aussi celui du rationalisme cartésien et européen, pour rentrer dans “l’âge de la vie”. Au dualisme opposant corps et esprit, nature et culture du premier âge, Kurokawa oppose une “philosophie de la symbiose”, subtil mélange d’emprunts aux philosophies et sciences contemporaines de la complexité (Deleuze, Gattari, Prigogine...) et au bouddhisme (l’impermanence...), dont le caractère fourre-tout permet en effet d’absorber dans un discours cohérent toutes les contradictions de la vie sans presque avoir à y toucher. Un même sentiment de distance glaciale ressort de l’œuvre architecturale. Si la maîtrise conceptuelle et plastique est incontestable, l’ensemble a la perfection évanescente de ce qui est plus réfléchi que réellement senti. C’est un paradoxe pour un architecte qui prétend célébrer “l’âge de la vie”, à moins qu’il ne soit précisément dans “l’impermanence” de la culture japonaise de donner à sentir ce qui, de la vie, demeure in fine impénétrable.

RÉTROSPECTIVE KUROKAWA KISHO, PENSER LA SYMBIOSE, jusqu’au 21 mars, Maison de la culture du Japon à Paris, 101bis quai Branly, 75015 Paris, tél. 01 44 37 95 00,du mardi au samedi 12h-19h. Catalogue bilingue japonais-français, 444 p., 200 F.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°54 du 13 février 1998, avec le titre suivant : Kisho Kurokawa

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