La « collection Anderson » est bien la collection Kirchbach

Par Emmanuel Fessy · Le Journal des Arts

Le 13 février 1998 - 438 mots

Le fait que Sotheby’s reconnaisse avoir vendu le plus bel ensemble de photographies des années vingt et trente jamais passé aux enchères en laissant apparaître le collectionneur sous une fausse identité est loin d’éteindre l’affaire Anderson.

PARIS - Le 2 mai 1997, Sotheby’s réalisait à Londres sa vente la plus importante de photographies. 210 des 221 lots de la “collection Helene Anderson” – des Weston, Umbo, Man Ray, Renger-Patzsch… – trouvaient preneur pour un total de 2,06 millions de livres sterling (19,4 millions de francs). Le marché balayait les questions surgies non pas à propos de l’authenticité  des images, mais concernant la brusque apparition d’une superbe collection totalement inconnue (JdA n° 38). Le catalogue livrait en effet peu d’informations sur la “collectionneuse” Helene Anderson et affirmait que son fils – le vendeur – avait découvert son trésor dans des cartons et des malles. Sotheby’s ne communiquait pas le nom du vendeur, qui refusait de s’exprimer. Herbert Molderings, spécialiste de la photographie de l’entre-deux-guerres, enseignant à l’université de Bochum, avait exprimé des doutes avant la vente. Six mois de minutieuses recherches lui ont permis d’affirmer ensuite, archives à l’appui, qu’Helene Anderson n’avait jamais rassemblé le prestigieux ensemble, ce que Sotheby’s a dû reconnaître. C’est un directeur du Musée de Zwickau (en ex-RDA), Hildebrand Gurlitt, qui a constitué la collection pour un industriel de Dresde, Kurt Kirchbach. Sa veuve, Hildegard, est décédée à Bâle en 1995, dans une maison de retraite dirigée par Angelica Burdack, belle-fille d’Helene Anderson.

Aujour­d’hui, l’avocat des Burdack affirme qu’Hildegard Kirchbach a donné la collection à Angelica Burdack “par amitié et gratitude,” “en exigeant que son nom ne soit pas mentionné”. Le conte d’Anderson aurait ainsi été inventé pour respecter cette volonté d’anonymat. Mais, dans son communiqué, l’avocat omet curieusement de préciser si cette donation a fait l’objet d’un acte écrit. Herbert Molderings n’est pas convaincu : “Hildegard Kirch­bach n’a passé qu’un an et demi dans cette maison de retraite. J’ai découvert des projets de testament des années 1970 où elle écrit vouloir léguer la collection, ainsi que des tableaux et des sculptures, à une fondation Kirchbach. Elle voulait absolument que la mémoire de son mari soit conservée”. Les peintures sont entre les mains de l’ancien avocat d’Hil­degard Kirchbach, dont elle avait fait son légataire universel. Sothe­by’s continue de soutenir qu’il n’avait aucune raison de douter des affirmations de Hans-Joachim Bur­dack. Pour la maison de vente, l’affaire serait close, car elle a reçu des “excuses” de la part des Bur­dack. Il n’em­pêche que, par négligence, la pre­mière grande vente d’une collection de photographies modernes s’est faite au mieux sur un menson­ge, au pire sur un détournement.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°54 du 13 février 1998, avec le titre suivant : La « collection Anderson » est bien la collection Kirchbach

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