Art et politique en Israël

Le Journal des Arts

Le 27 février 1998 - 355 mots

Le mois dernier, Jérusalem a été le théâtre d’une violente controverse, lorsque Yad Vashem – le musée et mémorial de l’Holocauste – a retiré au sculpteur israélien Yigael Tumarkin le prix Sussman, d’un montant de 5 000 dollars (30 000 francs), qu’il lui avait attribué.

Il semblait pourtant le candidat idéal. Né en 1933 d’un père allemand et d’une mère juive allemande, il s’était enfui avec elle en Palestine avant la guerre. Il a consacré l’essentiel de sa carrière à traiter des liens qui l’attachent à l’Allemagne et à Israël, et de leur position ambiguë sur l’Holocauste. Ses monuments sur ce thème jalonnent l’Europe, les États-Unis et Israël, où il est célèbre pour son mémorial très controversé à Tel-Aviv, en forme de pyramide renversée. Mais Tumarkin est aussi connu pour son antipathie envers les Juifs ultra-orthodoxes. “À voir les ultra-orthodoxes, avec leur chapeaux noirs et leurs papillottes, on comprend pourquoi l’Holocauste a eu lieu”, aurait-il déclaré en 1988. Le comité artistique de Yad Vashem s’est ravisé sur la foi de cette petite phrase, mais aussi sous la pression de milliers d’appels téléphoniques de religieux ou non qui protestaient contre l’attribution du prix à Tumarkin. Celui-ci se défend : “Je n’ai jamais dit ça, mais quand les ultra-orthodoxes ont décidé de lyncher quelqu’un, ils le font. Ils protestent contre toute manifestation culturelle. Ils s’opposent au Yad Vashem parce qu’il y a des sculptures de corps nus.” Ce à quoi un journaliste orthodoxe répond : “Tumarkin nous calomnie sans cesse. Il est vrai que nous n’allons pas au musée, car nous n’avons pas envie de voir des corps nus. Mais nous les avons acceptés à Yad Vashem. Ce n’est pas contre ses œuvres d’art, que nous protestons, mais contre ses propos. Si quiconque en Alle­magne émettait des mots semblables, nous le considérerions comme un nazi.”

Farouchement opposé aux colonies et à l’influence politique des orthodoxes en Israël, Tumarkin explique : “Je les attaque à cause des colonies. Ils ont tué le processus de paix et ils finiront par nous tuer avec. Les ultra-orthodoxes prétendent que j’utilise l’Holocause comme un argument politique, mais ils font la même chose.”

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°55 du 27 février 1998, avec le titre suivant : Art et politique en Israël

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