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Le design, arme politique

Par Christian Simenc · Le Journal des Arts

Le 3 février 2009 - 730 mots

Les Pays-Bas renforcent leur action culturelle à l’étranger en créant le DutchDFA.

PARIS - S’il est un pays aujourd’hui dans le monde dont la réputation en matière de design n’est plus à faire, ce sont bien les Pays-Bas. Cela n’a pourtant pas empêché le royaume de mettre les bouchées doubles en lançant, le 16 décembre dernier à La Haye, un nouvel organisme baptisé Dutch Design Fashion Architecture, ou « DutchDFA (www.dutchdfa.nl) », dont la mission est, pour les quatre prochaines années (2009-2012), de consolider la position culturelle des Pays-Bas dans le monde, et en particulier dans trois secteurs créatifs majeurs : le design, la mode et l’architecture. Cette nouvelle entité résulte d’une collaboration entre le gouvernement et les principales fondations et organisations professionnelles du pays, comme l’Institut néerlandais d’architecture de Rotterdam (NAI) ou la Fondation Premsela, plate-forme pour le design et la mode, à Amsterdam. Budget annuel : 3 millions d’euros, lequel provient de quatre ministères : Affaires étrangères, Culture et Sciences, Éducation, enfin Affaires économiques. Celui-ci s’ajoute aux 14,3 millions d’euros que consacre déjà chaque année le pays à promouvoir la culture néerlandaise à l’étranger.
« Le design, la mode et l’architecture néerlandais remportent, certes, aujourd’hui, un succès incroyable partout dans le monde. Il existe, dans nombre de pays, comme une soif pour tout ce qui se passe aux Pays-Bas. Mais nous avons encore beaucoup à gagner à nous inscrire dans des pays où l’on est moins ou pas connu, hormis dans les milieux artistiques », a expliqué, mercredi 21 janvier, Frans Timmermans, ministre néerlandais des Affaires européennes, à l’occasion de l’ouverture, à Paris, de la toute première manifestation inscrite à l’agenda du DutchDFA : l’exposition « Archéologie du futur : 20 ans de tendances vues par Lidewij Edelkoort », présentée à l’Institut néerlandais (1).

Une exposition politique
« Renforcer » pourrait donc être le maître-mot de ce nouveau programme d’aide culturelle : « Les Néerlandais ont un caractère de caméléon, ils s’adaptent au nouvel environnement, analyse Frans Timmermans. S’adapter au client est certes typique pour un pays commerçant comme le nôtre, mais il est aujourd’hui intéressant de franchir un degré supplémentaire, non plus de se fondre mais au contraire d’affirmer l’identité néerlandaise et les caractères typiquement néerlandais ». Selon le ministre, l’action du DutchDFA se développera, en priorité, dans certains pays comme l’Allemagne – et en particulier la région frontalière de Nordrhein-Westfalen, Ndlr –, l’Inde ou la Chine. « Ce qui ne veut pas dire que nous n’aiderons pas d’autres pays », tient à préciser Frans Timmermans. Un pavillon DutchDFA devrait ainsi être présenté cette année à New York, à l’occasion des 400 ans des relations entre les Pays-Bas et les États-Unis et, en 2010, à l’Exposition universelle de Shanghaï (Chine).
Pour l’heure, la nouvelle entité DutchDFA se matérialise donc dans cette présentation parisienne qui est, en quelque sorte, un état des lieux des tendances – mode et design – concoctées, ces vingt dernières années, par Lidewij Edelkoort, fondatrice du cabinet de tendances Trend Union, à Paris, et ex-présidente de la Design Academy d’Eindhoven. « C’est une exposition très politique, estime Frans Timmermans. L’évolution des tendances de ces quinze/vingt dernières années révèle divers aspects de notre société : les relations entre urbanité et terroir, entre individualisme et collectivité, entre le fait d’appartenir à une société et en même temps de montrer un intérêt pour ce qui est différent… Bref, ces approches que nous proposent le design et l’art sont très intéressantes ». D’autant qu’elles ont, selon le ministre, un impact sociétal fort. « Le monde de la culture a une grande responsabilité pour faire évoluer la société, observe-t-il. Je pense que Lidewij Edelkoort a une influence directe sur les choix fondamentaux faits par les industries. Dans le monde politique, on ne prend pas cela assez en compte ». Et en France, semble-t-il, moins encore ? « Ce n’est pas à moi de donner des leçons à mes collègues français, sourit Frans Timmermans, mais je suis étonné de voir que le design, en France, n’a pas cette place primordiale qu’il devrait avoir. Le design a un impact sur la politique. Il ne sert pas uniquement à vendre des produits, il est une vision de la politique d’un pays ». À bon entendeur…

(1) L’exposition « Archéologie du futur » a lieu, jusqu’au 8 mars, à l’Institut néerlandais, 121, rue de Lille, 75007 Paris, Tél. 01 53 59 12 40.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°296 du 6 février 2009, avec le titre suivant : Le design, arme politique

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