Objet de collection

3 K-2-08 : le nouveau code

Par Jean-Marie Schmitt · Le Journal des Arts

Le 20 janvier 2009 - 1445 mots

La direction générale des finances publiques a précisé la notion d’objet de collection donnant droit à l’application du taux réduit de TVA à l’importation. Une première avancée pour les professionnels.

La direction générale des finances publiques a publié le 10 décembre 2008 une instruction fiscale précisant la notion d’objet de collection donnant droit à l’application du taux réduit de TVA à l’importation. On pourrait baptiser ce texte « l’amendement Deydier/Bethenod ». Sous la houlette de Christian Deydier, le Syndicat national des antiquaires a en effet conduit de longue date l’action pour convaincre que la disparité existante pénalisait la France dans la conquête du marché de l’art du XXe siècle, qui en est devenu le cœur. Martin Bethenod l’a quant à lui fait inscrire parmi les propositions du rapport sur la relance du marché de l’art français en apportant la traduction scientifique de l’ouverture proposée.
De longue date, les professionnels français pointaient la TVA à l’importation comme une disparité compétitive jouant au détriment du marché français. Depuis l’entrée en vigueur de la 7e directive TVA en 1995, la TVA à l’importation en Europe des œuvres d’art, objets de collection et d’antiquités (de plus de 100 ans d’âge) était fixée au taux réduit. Mais la définition communautaire retenue en France s’arrêtait aux collections expressément mentionnées (zoologie, botanique, minéralogie, anatomie) et parfois à certaines pièces d’intérêt archéologique ou paléontologique (déjà incluses sans les antiquités de plus de 100 ans d’âge), voire ethnographique ou numismatique. L’impasse avait été faite sur les pièces présentant un intérêt historique. Le rapport Bethenod (2008) avait clairement illustré que l’intérêt historique d’un objet de collection – comme d’une œuvre d’art – ne se confinait pas à sa position dans une chronologie (lire ci-contre).

Scruter le passé
Pour mettre en œuvre cette évolution, Bercy a pris ses précautions en revenant au plus près des textes et de la jurisprudence de la Cour de justice des Communautés européennes (CJCE). Le ministère de l’Économie et des Finances a d’abord fait mention des textes européens, notamment de l’article 103-1 de la directive 2006/112/CE du Conseil du 28 novembre 2006 relatif au système commun de valeur ajoutée (TVA), disposant que le taux réduit ou l’un des taux réduits appliqué conformément aux articles 98 et 99 s’applique également aux importations d’objets d’art, de collection ou d’antiquités tels que définis à l’article 311, paragraphe 1, points 2), 3), 4). De renvoi en renvoi, on débouche sur les catégories mentionnées ci-dessus, dont font partie les collections « présentant un intérêt historique ».
L’instruction fiscale est ensuite revenue sur les qualités retenues par la Cour de justice des Communautés européennes dans deux arrêts du 10 octobre 1985 pour caractériser les objets de collection (au sens de la position 97.05 du tarif douanier commun) : « des objets qui sont relativement rares, ne sont pas normalement utilisés conformément à leur destination initiale (sans pourtant exclure que leurs qualités fonctionnelles puissent rester intactes), font l’objet de transactions spéciales en dehors du commerce habituel des objets similaires utilisables et ont une valeur élevée ». À ces considérations, la CJCE avait ajouté que « sont considérés comme présentant un intérêt historique ou ethnographique les objets pour collections qui […] marquent un pas caractéristique de l’évolution des relations humaines, ou illustrent une période de cette évolution ».

Le présent remorqué par l’Art nouveau et l’Art déco
L’administration française pouvait logiquement déduire de cette exégèse l’élargissement de ses définitions en droit interne et, après rappel des dispositions antérieures (instruction 3 K 113 – à jour au 15 août 1995), les compléter ainsi :
« Dès lors que les critères (rareté, utilisation différente de la destination finale, transactions spéciales en dehors du commerce habituel des objets similaires, valeur élevée, réalisation d’un pas caractéristique de l’évolution des réalisations humaines, ou illustration d’une période de cette évolution [mobilier “art nouveau” ou “art déco”, par exemple]) ci-dessus énoncés sont respectés, les meubles meublants de moins de 100 ans, les articles de joaillerie, d’orfèvrerie et de bijouterie ainsi que les articles des arts de la table et de la mode vestimentaire répondent à la définition d’objet de collection. » Les mots « Art nouveau » et « Art déco » sont enfin lâchés… L’instruction précise toutefois que « le point de savoir si un bien constitue un objet de collection est une question de fait qui s’apprécie au cas par cas, sous le contrôle du juge ». Sans doute pour dissuader la catégorie « collection » de devenir un fourre-tout à la mesure de l’imagination des amateurs et professionnels, et en raison, probablement, de la survenue d’éventuels problèmes de qualification délicats.
Les dernières lignes de l’instruction, qui se présentent comme un nota bene visant à dissuader toute insertion d’objets neufs dans la catégorie des œuvres de collection, sont toutefois ambiguës ; elles peuvent susciter des interrogations. En effet, ce N.B.  vise « les opérations de vente, de commission, de courtage ou de façon », ce qui semble aller au-delà de la question posée, relative à l’importation des biens culturels dans l’Union européenne.
Serait-il interdit d’imaginer que, dans l’entrelacs des règles communautaires, de leurs exceptions traduites dans la législation interne des États membres, cette nouvelle qualification, élargie, qui vise à aligner le marché de l’art du XXe siècle sur le dispositif antérieur en rapprochant la définition de l’œuvre d’art de celle de l’objet de collection, ne puisse trouver sa cohérence ? Ainsi en étendant aux objets de collection certaines tolérances, comme celle autorisant les pièces d’ébénisterie de plus de 100 ans d’âge à pouvoir bénéficier du régime de calcul forfaitaire de la marge. On peut en tout cas affirmer que, par cette discrète instruction fiscale, Bercy reconnaît l’art du XXe siècle.

Instruction fiscale n°  104 du 10 déc. 2008, Bulletin officiel des impôts 3 K-2-08.

Extraits du rapport Bethenod

« […] il a paru nécessaire, et possible, aux membres de la mission d’obtenir la modification des catégories de biens auxquels la qualité d’œuvre d’art est reconnue. La liste contenue à l’article 98 A de l’annexe III au code général des impôts exclut ainsi de ces catégories les manuscrits, les articles de joaillerie et les biens de moins de cent ans, ce qui inclut, en particulier, le vaste champ des arts décoratifs et du design moderne et contemporain, dont il faut rappeler qu’il est aujourd’hui l’un des segments les plus dynamiques du marché et de l’art, et l’un de ceux dans lesquels la compétence des acteurs français est la plus largement reconnue. Cette liste, reprise de la nomenclature du tarif extérieur commun de l’Union européenne, figure également à l’annexe IX de la directive 2006/112/CE du 28 novembre 2006 relative au système commun de TVA. Il est, d’abord, incontestable que les biens dont il est question ont, sur le marché comme dans les institutions, aux yeux des amateurs comme des conservateurs, la qualité d’œuvres d’art, et que leur exclusion n’est aujourd’hui plus explicable. L’histoire de l’art, le jugement critique, la réalité de la pratique des grandes institutions au cours des dernières décennies ont conduit à une évolution fondamentale dans la perception de la nature même des biens dont il est question. Cette exclusion de ces catégories d’objets a, en outre, pour effet juridique l’application à ces biens du taux normal à la TVA et, pour conséquence économique, la délocalisation à l’étranger des œuvres qui les concernent. C’est en particulier le constat fait à cet égard en 2006 par le Conseil des ventes volontaires qui observe, par exemple, un recul très net du marché français s’agissant des bijoux, au regard, à l’inverse, d’une forte croissance dans le monde. Les ventes en cause sont désormais localisées à Genève et, de plus en plus, à Hongkong. Il est, par suite, recommandé de permettre l’application du taux réduit aux biens en cause, ce qui est apparu possible aux membres de la mission compte tenu de la manière dont sont rédigés les textes applicables, en s’appuyant sur la catégorie des « objets de collection ». Ceux-ci peuvent en effet se voir appliquer le taux réduit dès lors qu’ils présentent un intérêt historique. Or celui-ci doit pouvoir être apprécié en considération de l’intérêt de l’objet au regard de l’histoire des arts et arts décoratifs, anciens, modernes et contemporains, le critère étant de nature historique et non chronologique. »

Recommandation 33

«Il est recommandé d’appliquer le taux réduit de TVA aux objets qui, en considération de leur intérêt au regard de l’histoire des arts et arts décoratifs, anciens, modernes et contemporains, entrent dans la catégorie des « objets de collection » au sens de l’article 98 A de l’annexe III au code général des impôts et de l’annexe IX de la directive 2006/112/CE du 28 novembre 2006 relative au système commun de TVA. »

© photo : Christophe Beauregard

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°295 du 23 janvier 2009, avec le titre suivant : 3 K-2-08 : le nouveau code

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