Enquête

Primes et crédits

Certains acteurs du marché restent arqués sur leurs anciens tarifs.

Par Roxana Azimi · Le Journal des Arts

Le 20 janvier 2009 - 760 mots

Une crise engendre souvent un effet domino. Qui dit acheteurs indécis dit marchands plus flexibles. Ces derniers n’hésitent plus à proposer des étalements de paiement, des rabais jusqu’à 20 %, voire à offrir le transport en prime. Ils se résolvent aussi à vendre davantage à leurs confrères, plutôt que d’attendre un hypothétique collectionneur.

PARIS - Stéphane Ory, responsable « risques spéciaux pour les galeristes et antiquaires » chez Hiscox, note que depuis un an et demi 50 % des ventes privées s’effectuent désormais entre marchands européens. Néanmoins, de toute la chaîne du marché de l’art, les galeries semblent les seules à faire réellement preuve de souplesse. Les maisons de ventes publiques ne sont pour l’heure pas disposées à baisser leurs frais acheteur alors qu’un geste symbolique serait appréciable. Du côté des assurances, aucune ristourne n’est prévue sur les primes, que ce soit pour les particuliers ou pour les professionnels. « Les prix dépendent du marché des taux d’assurance et la tendance actuelle est à l’augmentation des taux », indique Gonzague Mézin, souscripteur « art et clientèle privée » chez Hiscox. Si des aménagements sont envisagés pour les musées, comme l’assurance des premiers risques ou la garantie des frais de restauration en cas de sinistre, les dispositifs taillés sur mesure pour les galeries  sont rares. « La solution pour diminuer la prime d’assurance, c’est d’augmenter la franchise, mais ce n’est pas la tendance du marché », précise Stéphane Ory. Même son de cloche du côté d’AXA Art. « Nous ne sommes pas dans l’optique de baisser les primes car nous avons nous-mêmes des coûts élevés pour la réassurance, défend Amélie Conté, responsable de communication de la firme. Les compagnies d’assurance veulent désormais partager les risques en s’associant à d’autres compagnies. »

Stocks revus à la baisse
Lucien-François Bernard, directeur d’AON-clientèle privée, propose de fractionner le paiement de la prime pour éviter que les galeries ne se retrouvent le couteau sous la gorge. « On peut aussi reconsidérer les stocks à la baisse pour avoir des primes moins importantes », suggère-t-il. Son confrère Richard de La Baume prévoit de réaménager les contrats au cas par cas, en modulant par exemple les garanties transport si la galerie compte réduire ses participations aux foires. Concernant les tarifs de transport d’œuvres d’art justement, aucun fléchissement ne semble se profiler. Yves Bouvier, président de Fine Art Transports Natural Le Coultre à Genève, n’envisage aucune révision de tarif, malgré une activité réduite de 30 % en 2009. « Sur une facture type, 80 % des coûts relèvent de frais externes, confie-t-il. Tant que les prix du fret aérien ou de la caisserie ne baissent pas, nous n’avons pas beaucoup de marge de manœuvre. Les 20 % restants, relatifs aux frais de main-d’œuvre, ne nous permettent pas de jouer sur les prix. » Basé en France, Art Transit International n’a pas souhaité s’exprimer sur la question.

Aversion pour les actions
Dans un contexte où chacun campe sur son quant-à-soi, la banque Neuflize-OBC, seul établissement bancaire doté d’un département spécialisé pour les professionnels de l’art, se montre conciliante. « La crise n’a pas modifié notre accompagnement. Notre solidité financière n’est pas entamée et notre groupe s’appuie sur un actionnaire de premier orsdre, assure Stéphane Mathelin-Moreaux, directeur de Neuflize-OBC Entreprises. Nous maintenons les lignes de crédit en respectant nos engagements contractuels. » En cas de réelle difficulté, la banque propose des crédits personnels adossés au patrimoine privé des galeristes. Les liquidités dégagées peuvent être injectées, si nécessaire, dans leurs activités professionnelles, un dispositif que la banque a mis en pratique à deux reprises depuis octobre 2008. Mais surtout, Neuflize-OBC ne compte pas augmenter les taux d’intérêt, situés actuellement autour de 6 %. Rappelons qu’en 1990, lorsque la Banque de la Cité ou la Banque de l’union occidentale (BUO) poussaient les galeries au crédit forcené, le taux d’intérêt avoisinait les 13 % ! Le dégrisement fut d’autant plus brutal : l’éruption de la crise a conduit les marchands à vendre à la casse pour rembourser leurs dettes. La donne a changé. « Seuls 50 % de nos clients utilisent des crédits, souligne Stéphane Mathelin-Moreaux. Les deux tiers des professionnels ont connu la crise de 1990 et savaient qu’une crise pouvait arriver. Leur niveau d’endettement n’est pas très élevé. » Si certains galeristes ont vu leurs clients perdre des sommes astronomiques dans l’escroquerie de l’homme d’affaires américain Bernard Madoff, ils ont rarement eux-mêmes jonglé avec la Bourse. « Les professionnels de l’art ont souvent une aversion pour les placements spéculatifs autres qu’artistiques, précise Stéphane Mathelin-Moreaux. Ils considèrent qu’ils prennent déjà un risque important… »

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°295 du 23 janvier 2009, avec le titre suivant : Primes et crédits

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