Technologie

Rencontre du troisième type

Par Julie Portier · Le Journal des Arts

Le 20 janvier 2009 - 460 mots

Chez l’artiste allemand Peter Vogel, la science est un art et l’art est un jeu.

BOUROGNE - Première exposition consacrée à l’Allemand Peter Vogel en France, « Partitions de réactions » réunit ses sculptures sonores à l’Espace Gantner, à Bourogne (Territoire-de-Belfort). L’autodidacte qui construit un magnétophone à l’âge de 15 ans, puis tourne ses premiers films expérimentaux tout en découvrant la musique et la danse – pour laquelle il invente son propre système de notation –, réalise ses premières œuvres plastiques après des études de physique. Laissant de côté ses tableaux tachistes animés par le spectateur grâce à un système de capteurs caché derrière la toile, il crée ses premières sculptures interactives en 1969. L’alibi de la peinture disparaît alors pour laisser voir les composants électroniques sertis de fils conducteurs. Mais quelle place ces objets qui réagissent à l’ombre et au mouvement en émettant de la lumière ou des sons occupent-ils dans le champ de l’art ? Leur difficulté à se rendre visibles dans les années 1970 pointe cette ambiguïté : si les machines à faire du bruit sont issues de l’univers de la musique électronique, de la danse, de la psychologie ou des neurosciences, l’auteur ne s’en revendique pas moins plasticien. Et ces machines-sculptures ne sont effectivement pas dénuées de qualités esthétiques. Enchâssées dans une structure métallique ou perchées sur de grandes tiges de fer, elles dégagent une saisissante poésie par la force de cette musique extraterrestre mystérieusement élaborée entre leurs petits composants aux couleurs primaires. D’emblée s’invite le débat philosophique porté sur la distinction du beau dans la science ou l’affirmation du caractère scientifique du beau. Mais les effets de la transdisciplinarité s’observent d’abord sur le plan pragmatique : elle ouvre les bras à un public plus large, ce qui n’est pas étranger aux concepts esthétiques de Vogel, lesquels se ressourcent précisément à l’« interactivité ». En témoigne l’expérience menée à l’été 1996 avec l’inauguration dans une boîte de nuit berlinoise de Rhythmic Sounds, frise sonore « techno » de 6 mètres de long également présentée à l’Espace Gantner. « Ce soir-là, on vit la scène du monde de l’art et des discothèques se mélanger », rapporte l’artiste. Se rencontrer, danser, jouer, improviser, voilà à quoi servent ces machines. Et cette légèreté porte peut-être leur pertinence critique dans un monde où leurs semblables servent la plupart du temps des objectifs de rentabilité et collent à un modèle social individualiste.

PETER VOGEL, PARTITIONS DE RÉACTIONS, jusqu’au 2 février, Espace multimédia Gantner, 1, rue de la Varonne, 90140 Bourogne, tél. 03 84 23 59 72, du mardi au samedi 14h-18h. Catalogue à paraître aux éditions Presses du réel, Dijon.

PETER VOGEL
Commissaires : Valérie Perrin, directrice de l’Espace Gantner, et Peter Vogel
Nombre d’œuvres : 18 sculptures. Vidéos et dessins

Un espace multicasquette

Créé en 1989, l’Espace multimédia Gantner dépend du conseil général du Territoire-de-Belfort. Tout en offrant les services d’une médiathèque de proximité, il renferme une mine d’informations pour les curieux des arts numériques au sens large. Sa collection et sa bibliothèque modelée sur le concept d’interdisciplinarité − comprenant un fonds de musique contemporaine unique en son genre − en font un lieu de recherche privilégié. Dynamisé par un programme d’expositions, de conférences, formations, créations et édition, l’Espace Gantner est aujourd’hui un lieu de référence pour penser la relation de l’art à l’informatique.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°295 du 23 janvier 2009, avec le titre suivant : Rencontre du troisième type

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