Vœux présidentiels

Les promesses de l’Élysée à la culture

Ambition circonstancielle

Par Sophie Flouquet · Le Journal des Arts

Le 20 janvier 2009 - 1077 mots

Lors de ses vœux présentés aux acteurs de la culture, le 13 janvier à Nîmes, Nicolas Sarkozy a annoncé la gratuité d’accès aux musées pour les moins de 25 ans. Il a aussi confirmé la création d’un « musée de l’Histoire de France » et, plus surprenant, a mentionné la mise en place d’un « Conseil pour la création artistique » dirigé par le producteur Marin Karmitz.

NÎMES - Un sujet de plus. Hormis une intervention consacrée à l’architecture en septembre    2007, lors de l’inauguration de la Cité de l’architecture et du patrimoine, à Paris, et après l’émoi suscité par les termes de la lettre de mission adressée à sa ministre de la Culture en août    2008, le président de la République était resté muet sur les questions culturelles. C’est donc à l’occasion de ses vœux présentés au monde de la culture, à Nîmes (Gard) le 13    janvier, que Nicolas Sarkozy s’est emparé d’un sujet avec lequel il semblait avoir jusque-là peu d’accointances. Le contexte économique et social y est en effet favorable. L’année 2008 a vu la culture française récolter une moisson de récompenses internationales alors que la fréquentation des établissements culturels atteignait des records. Signe qu’en période de crise les Français se concentrent sur l’essentiel. Une tendance que n’a pas manqué d’observer Nicolas Sarkozy. « Dans un contexte d’égarement collectif, la culture doit répondre au besoin de repères », a-t-il ainsi martelé, appelant à ce que 2009 soit « une année de reconstruction » et « que les arts et la culture y aient toute leur place ». « Il faut faire de la crise une opportunité », a insisté Nicolas Sarkozy, qui s’est dit hostile à une vision strictement comptable de la culture. « C’est une erreur de réduire la culture à ce qu’elle peut apporter à l’économie », a précisé un chef de l’État devenu le défenseur de l’existence d’un ministère spécifique, précisant que « la symbolique de sa disparition serait détestable ».

Du grattage au patrimoine
Pourtant, si Nicolas Sarkozy a proclamé vouloir une « nouvelle ambition pour la culture », les mesures annoncées n’ont rien de spectaculaire. La principale d’entre elles concerne l’instauration, dès le 4 avril, de la gratuité des musées nationaux pour les jeunes âgés de moins de 25 ans et les enseignants – qui s’en étaient vus privés en 2004. Cette décision constitue l’épilogue de l’histoire d’une promesse de campagne lancée à l’emporte-pièce, celle de la généralisation de la gratuité –    expérimentée au premier semestre 2008 – à laquelle la ministre de la Culture, Christine Albanel, préférait ouvertement une gratuité ciblée. Chiffrée à 23,8    millions d’euros par la Rue de Valois – pour les seuls musées nationaux de son ressort, soit 25 millions d’euros au total –, la mesure, qui n’avait pas été inscrite au projet de loi de finances pour 2009, devrait être compensée par le dégel de la réserve de précaution. La seconde décision de Nicolas Sarkozy concerne la création d’un « musée de l’Histoire de France », qui était elle aussi une promesse de campagne. Un rapport, rédigé par Hervé Lemoine, conservateur du patrimoine, a déjà été remis à Christine Albanel en avril 2008, préconisant une implantation sur le site des Invalides, ce qui a aussitôt suscité l’hostilité des militaires. Prudemment, Nicolas Sarkozy a évoqué l’existence de plusieurs pistes dans un « lieu emblématique », mais aussi « une fédération de musées », plusieurs établissements tels Versailles et les Archives nationales couvrant déjà le sujet. « Il s’agit d’une annonce de principe, précise Dominique Antoine, conseiller en charge de la culture auprès du président. Nous n’avons pas abouti sur la question du site. Nous attendons des propositions de la part du ministère de la Culture. » Des noms de lieux circulent pourtant déjà, notamment celui du château de Vincennes. La rallonge de 100 millions d’euros allouée au patrimoine – mais aussi aux grands travaux culturels –, et déjà annoncée dans le cadre du plan de relance, a également été confirmée. « Cet effort sera maintenu et ne fera l’objet d’aucun gel tant que je serai président de la République », a précisé Nicolas Sarkozy, pérennisant ainsi une mesure présentée auparavant comme exceptionnelle. Cette ressource devrait être en partie extrabudgétaire, comme l’a confirmé dès le 14 janvier Christine Albanel, évoquant la possibilité de la création d’un jeu de grattage dédié au patrimoine.

Karmitz agitateur d’idées
La surprise est venue de l’annonce de la mise en place d’un « Conseil pour la création artistique », organisme qui sera dirigé par le producteur Marin Karmitz, et coprésidé par le président et la ministre de la Culture. Instance consultative « qui éclairera la discussion mais ne décidera pas », selon l’Élysée, le conseil, dépourvu de budget, sera placé directement sous la tutelle de Nicolas Sarkozy. Celui-ci ferait-il de Marin Karmitz un ministre bis ? « Il sera un agitateur d’idées    », rectifie un conseiller de la ministre. Les contours de la mission de ce conseil, qui aura vocation à s’occuper de tous les champs de la création, demeurent incertains. L’idée serait de recentrer les aides sur l’excellence, d’améliorer la professionnalisation et la diffusion, et de mener des évaluations. Autant de vœux déjà inscrits noir sur blanc dans la lettre de mission de la ministre.
Le chef de l’État a en outre dévoilé dans le discours de Nîmes quelques-unes de ses intentions : soutien à la création du Mucem (Musée des civilisations de l’Europe et de la Méditerranée, Marseille), encouragement à la multiplication des gestes architecturaux, volonté de réforme de la fiscalité en faveur du marché de l’art, soutien à l’exposition « Jeff Koons » à Versailles et à la cession de la marque « Louvre » à l’émirat d’Abou Dhabi. Quitte à semer le trouble avec une petite phrase. « Et si Singapour pouvait faire ce même partenariat culturel pour couvrir la partie asiatique, ce serait une excellente nouvelle. » Une information qui a embarrassé autant l’Élysée que la Rue de Valois. « Nous cherchons à diversifier l’implantation de nos institutions culturelles à l’étranger, mais rien n’est concret pour le moment », nous avait précisé Dominique Antoine. Le nom de Singapour n’a pas été lancé par hasard. Selon nos informations, les autorités de Singapour sont en contact avec plusieurs musées français depuis quelque temps. Quelques jours après le discours de Nicolas Sarkozy, un accord de coopération a été signé le 19 janvier entre la Réunion des musées nationaux et le National Heritage Board de Singapour pour l’organisation d’expositions (lire p. 36).

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°295 du 23 janvier 2009, avec le titre suivant : Les promesses de l’Élysée à la culture

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