Photographie « objective »

Deux expositions Patrick Tosani à Paris

Par Philippe Régnier · Le Journal des Arts

Le 27 février 1998 - 479 mots

Prix Niepce 1997, Patrick Tosani expose ses œuvres les plus récentes ce printemps au Centre national de la Photographie et à la galerie Liliane et Michel Durand-Dessert. Il y montre un univers qui joue sur une mise à distance par des rapprochements inédits.

PARIS - Après des études d’architecture, Patrick Tosani a décidé, à la fin des années soixante-dix, de s’orienter plus volontiers vers l’architecture du visuel, vers des constructions esthétiques en deux dimensions. Le photographe s’est en effet attaché à saisir des “choses”, éléments de la vie quotidienne, cuillers, circuits électriques ou talons. Chaque fois, l’objet qu’il a choisi est outrageusement agrandi au tirage pour changer d’échelle et proposer au spectateur une vision réaliste dans la forme mais déroutante quant aux dimensions. Un talon de chaussure peut ainsi dépasser un mètre de haut. Ces images hors d’échelle offrent des natures mortes inédites, dans lesquelles l’objet est la plupart du temps présenté sur un fond neutre qui en accentue le caractère clinique, l’aspect d’icône détachée de tout contexte réel sinon le sien. Les expositions de Patrick Tosani proposent ainsi un univers silencieux et mystérieux, un ensemble d’images déroutantes, même si elles sont issues d’une réalité qui nous est ô combien familière. À côté de ses photographies de tambours ou de cuillers, il a également introduit des images de corps, d’êtres humains qui font partie intégrante de son iconographie objective. À l’Arc/Mu­sée d’art moderne de la Ville de Paris, il avait exposé en 1993 sa série des Têtes, des vues de cuir chevelu prises à l’aplomb des ses modèles. En 1985 déjà, il avait réalisé une série de portraits, mais ces derniers étaient irrémédiablement flous. Les visages sont en effet systématiquement absents de son œuvre, comme s’il s’éloignait de toute expressivité – un visage exprime forcément quelque chose – pour s’attacher au contraire à la matérialité du corps et privilégier une certaine objectivité, même si l’image obtenue peut se révéler en fin de compte plus dérangeante et plus troublante qu’une vue traditionnelle. La série des Ongles, déjà montrée au Magasin de Grenoble en 1990 et à la galerie Rodolphe Janssen à Bruxelles en 1993, est à cet égard assez symptomatique. Les Corps habillé, qui datent de 1996-1997 et qui sont montrés début mars au Centre national de la Photo­graphie et à la galerie Liliane et Michel Durand-Dessert, proposent encore des points de vue inédits, des images prises cette fois d’en-bas et non plus d’en-haut. Les corps apparaissent ici sans relief – au sens physique du terme, bien sûr – et accentuent une réification récurrente dans l’œuvre de Tosani.

PATRICK TOSANI, 4 mars-20 avril, Centre national de la Photographie, Hôtel Salomon de Rothschild, 11 rue Berryer, 75008 Paris, tél. 01 53 76 12 32, tlj sauf mardi 12h-19h ; 7 mars-11 avril, Galerie Durand-Dessert, 28 rue de Lappe, 75011 Paris, tél. 01 48 06 92 23, du mardi au samedi 11h-19h.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°55 du 27 février 1998, avec le titre suivant : Photographie « objective »

Tous les articles dans Expositions

Le Journal des Arts.fr

Inscription newsletter

Recevez quotidiennement l'essentiel de l'actualité de l'art et de son marché.

En kiosque