Art et communication

Mercier, le défi d’Eugène

Le Journal des Arts

Le 27 février 1998 - 693 mots

S’il y a bien une marque de champagne qui peut se vanter d’être connue de tous, c’est Mercier.

Rien d’étonnant à cela puisqu’elle est leader sur son marché. Cependant, Mercier est loin d’être un champagne industriel, et s’il est présent partout c’est, à l’origine, par la volonté et le désir même de son fondateur, Eugène Mercier, qui, en 1858, alors âgé de vingt ans, se lance dans l’aventure. À l’inverse des grandes maisons existantes dont la politique commerciale s’oriente vers une élite fortunée, il vise d’emblée un public beaucoup plus large. Raisonnement visionnaire et révolutionnaire.

Si Eugène Mercier a vite compris l’importance de prix attractifs pour une qualité indéniable, il a tout aussi vite compris l’intérêt de se faire connaître du plus grand nombre pour développer la notoriété de sa marque. Dès 1875, il organise les premières visites de caves. Puis, le champagne Mercier va faire sa grande entrée à l’Exposition universelle de Paris, en 1878. Pour l’Exposition de 1889, Eugène Mercier a une idée folle : faire venir d’Épernay un foudre gigantesque, d’une capacité de deux cent mille bouteilles. Le transport sera une épopée à travers la France et... un triomphe ! De nombreux objets publicitaires relatant l’événement sont édités et diffusés pendant les six mois de l’exposition. En 1900, c’est un pavillon qui est construit par l’architecte Paul Dufresne, face à l’École Militaire : le corps du bâtiment a la forme d’un immense tonneau. Le clou du spectacle n’est autre qu’un film publicitaire.

On ne peut affirmer avec certitude que les frères Lumière étaient derrière la caméra, mais il est sûr qu’ils ont été partie prenante de l’opération. Ce film a nécessité deux ans de préparation et de tournage. Il a pour personnages Eugène Mercier lui-même, mais aussi des centaines d’ouvriers et d’ouvrières qui ont été mis à contribution pour sa réalisation. Et c’est aussi sans doute l’une des premières fois qu’ont été reconstituées, en extérieur, des scènes relatives aux activités intérieures des caves, trop sombres pour autoriser des prises de vues. Une prouesse technique pour un cinéma encore balbutiant. Preuve, s’il en est, que cet homme d’exception a toujours su tirer profit et exploiter les techniques de son temps.

Une sculpture pour pérenniser un entrepreneur de génie
Mais lors de l’Exposition de 1900, Eugène Mercier innove encore. La marque s’approprie un ballon captif au gaz hydrogène qui doit élever le public au-dessus de Paris. Ce sont ainsi dix mille personnes qui découvrent la capitale à 300 mètres d’altitude. Ce fut le premier support publicitaire de ce type. Depuis 1978, six ballons à air chaud sont utilisés pour des opérations de relations publiques ou de sponsoring, aussi bien en France qu’à l’étranger.

La marque a donc toujours été très présente publicitairement à travers des moyens divers, des plus classiques aux plus extravagants ou novateurs. Eugène Mercier a voulu démocratiser et populariser le champagne autour des thèmes de la fête et de la convivialité. Avec un tel passé et une telle personnalité, l’agence CPP, aujourd’hui chargée du budget, a voulu rendre à Eugène ce qui appartient à Eugène, réveiller les racines de la marque et rendre hommage à cet entrepreneur de génie. Pour ce retour aux sources, le directeur artistique Rémi Courgeon a conçu une figurine qui, en une seule image, retrace l’esprit d’Eugène Mercier et de son champagne. Un esprit malicieux et audacieux, lié à une bonne dose d’humour. La fantaisie du dessin reflète celle de la marque, tandis que la représentation du personnage correspond vraiment à l’homme tel qu’il est resté dans l’imaginaire des employés de l’entreprise. La sculpture a été confiée à Philippe Cauquil, “inventeur d’objets”, qui l’a réalisée à partir d’un vrai muselet et d’un vrai bouchon. La moustache a été faite en papier doré portant bien évidemment le nom de Mercier. L’ensemble de l’œuvre d’une vingtaine de centimètres, très finement exécutée, aura peut-être un jour sa place au musée Mercier. Qui sait ? Ce ne serait pas la première fois que la communication rejoindrait l’art.

Agence : Crehalet Pouget Poussièlgues / Directeur de création : Annie Pous­sièlgues / Directeur artistique : Rémi Courgeon / Rédacteur : Éric Ancian / Sculpteur : Philippe Cauquil / Photo­graphe : Bruno Jarret

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°55 du 27 février 1998, avec le titre suivant : Mercier, le défi d’Eugène

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