Tous les artistes naissent libres et égaux

La politique artistique de la Seconde République à Orsay

Le Journal des Arts

Le 13 mars 1998 - 477 mots

Les espoirs nés de la Révolution de février 1848 ont, dans une large mesure, été déçus. Pourtant, dans le domaine des arts, la Seconde République avait amorcé une politique ambitieuse, soucieuse d’offrir une expression artistique aux valeurs républicaines. À l’aide de 47 peintures, 17 sculptures et de nombreux documents, le Musée d’Orsay revient aujourd’hui sur son action, plus préoccupée des artistes que de l’art.

PARIS - À l’heure où la pertinence de la politique culturelle suivie depuis plusieurs années est l’objet de critiques répétées, le Musée d’Orsay, cent cinquante ans après les journées de février 1848, s’intéresse à l’action de l’éphémère Seconde République (1848-1852) en faveur de l’art vivant. Le nouveau régime a tenté de s’émanciper du modèle royal en organisant la promotion des valeurs républicaines. L’exposition évoque différents épisodes particulièrement significatifs de cette politique, inspirée notamment par le critique d’art Charles Blanc, nommé à la tête de la Direction des Beaux-Arts. Premier acte symbolique, le Salon est déclaré libre et le jury est supprimé. Conséquence, plus de 5 000 œuvres y seront présentées. Une amusante caricature rappelle les ricanements suscités par la médiocrité de nombreux envois, tandis que quelques tableaux importants de Delacroix (Les bouffons arabes), Corot (Impression d’Italie), Gérôme ou Antigna donnent un aperçu des diverses tendances de la manifestation. À l’occasion du concours organisé pour donner une figure à la République, le gouvernement provisoire éprouvera à nouveau les dangers résultant de la confusion entre égalité et égalitarisme. Ouverte à tous, la compétition a suscité l’envoi de 450 contributions, toutes d’un niveau plutôt médiocre. Même les propositions distinguées par le jury, dont quelques-unes sont exposées ici, ne séduisent guère, étouffées qu’elles sont par un arsenal hétéroclite de symboles et d’attributs. Seul Daumier est parvenu à produire une image forte, en identifiant la République à l’allégorie de la Charité. Le nouveau régime s’est en effet montré fort charitable puisqu’il a décidé, outre la distribution de secours, de passer des commandes à des artistes jusque-là négligés. Sym­boli­que­ment, la première est adressée à l’éternel refusé Théodore Rous­seau, qui livre la célèbre Sortie de forêt à Fon­tainebleau, soleil couchant. D’autres travaux d’en­vergure, comme le décor du Panthéon ou l’érection par Rude d’une statue du maréchal Ney, sont entrepris.

La politique muséale engagée par la Seconde République aboutit en 1852 à la réorganisation du Musée du Luxembourg, qui abritait les œuvres des meilleurs artistes vivants. La réunion de quelques-uns des tableaux accrochés en 1852 ne plaide pas en faveur du goût de ce milieu de siècle, dominé par un réalisme parfois teinté de sentimentalisme. Mais les générations futures porteront peut-être sur les musées d’art contemporain d’aujourd’hui le même regard navré que nous sur ceux d’hier.

1848, LA RÉPUBLIQUE ET L’ART VIVANT, jusqu’au 31 mai, Musée d’Orsay, 1 rue de Bellechasse 75007 Paris, tlj sauf lundi 10h-18h, dimanche 9h-18h, jeudi 10h-21h45. Catalogue par Chantal Georgel, éd. Fayard/RMN, 240 p., 240 F.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°56 du 13 mars 1998, avec le titre suivant : Tous les artistes naissent libres et égaux

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