Antiquités : Sotheby’s sur la sellette

Des antiquités volées ont été mises en vente en décembre 1989

Par Martin Bailey · Le Journal des Arts

Le 27 mars 1998 - 576 mots

Sotheby’s a dispersé dans une vente publique organisée à Londres, le 11 décembre 1989, des antiquités égyptiennes qui auraient été volées dans un château du Kent dont le propriétaire est aujourd’hui décédé.

LONDRES (de notre correspondant) - La police mène l’enquête à la suite des plaintes mettant en cause Sotheby’s. L’auc­tioneer aurait procédé à l’adjudication d’antiquités égyptiennes volées dans un château du Kent. Au moment de la dispersion, So­theby’s semblait ignorer que le vendeur n’était pas le propriétaire légal des cinq objets, adjugés 41 000 livres sterling (environ 410 000 francs), parmi lesquels figurait Mahu, une statuette en pierre calcaire vieille de 3 500 ans représentant le Second prêtre d’Amon agenouillé.

En juillet dernier, un égyptologue visitant le château de Chid­dingstone, près d’Edenbridge, a appris en lisant l’ouvrage présentant l’histoire de la collection que Mahu avait été dérobé. Se souvenant que la statuette avait été vendue chez Sotheby’s, il a alerté le responsable du château, qui a rapidement découvert que quatre autres antiquités égyptiennes volées étaient passées dans la vente du 11 décembre 1989 : outre Mahu (16 000 livres), une statuette représentant un personnage en mouvement (13 000 livres), un sarcophage miniature (9 000 livres), une stèle au sommet arrondi (3 000 livres) et une tête d’homme en basalte (invendue).

Tentative de meurtre
Le vol a eu lieu en 1961, alors que  Denys Bower (51 ans), le propriétaire de Chiddingstone, était en prison pour tentative de meurtre sur la personne de sa compagne, une jeune femme de 22 ans qui venait de lui annoncer la rupture de leurs fiançailles. Ce marchand collectionneur d’antiquités avait acheté le château – un manoir du début du XIXe siècle – en 1955, avant de l’ouvrir au public pour y présenter sa collection d’antiquités égyptiennes, de laques et sabres japonais, d’objets bouddhistes et de souvenirs de l’époque des Stuart.

Il avait ensuite confié la direction du château de Chiddingstone à un autre antiquaire, Hector Binney, renvoyé en avril 1961. La disparition de plusieurs objets, parmi lesquels Mahu, a été signalée alors que ce dernier était encore en place. Cependant, la police n’a découvert aucune preuve de la culpabilité d’Hector Binney, qui décéda en 1986. Pourtant, lors de la vente de ses biens intervenue trois ans plus tard, Sotheby’s indiquait que les antiquités égyptiennes étaient la “propriété du défunt Hector Binney”. Les administrateurs de Chiddingstone, qui n’avaient pas prêté attention à la vente, n’ont compris qu’ultérieurement qu’Hector Binney était bien à l’origine des vols. Quant à Bower, sorti de prison en 1962, il est décédé en 1977. La propriété du château de Chiddingstone a été alors transférée à une œuvre de bienfaisance qui a maintenu les lieux ouverts au public.

En juillet dernier, lorsque Ruth Elridge, administratrice de Chid­dingstone, a été informée de la vente de Mahu, elle a immédiatement contacté Sotheby’s. La maison de vente a alors consulté l’intermédiaire, qui n’était autre que la fille d’Hector Binney, Arabella Killander. Cette dernière a expliqué que son père était à la tête d’une importante collection et qu’elle n’avait aucune raison de penser que les pièces égyptiennes venaient de Chiddingstone.

Les deux marchands qui s’étaient portés acquéreur en toute bonne foi chez Sotheby’s n’avaient aucune raison de mettre en doute la provenance des objets. Tout porte à croire aujourd’hui que les antiquités ont depuis changé de propriétaire. La police du Kent intensifie les recherches pour retrouver les pièces dérobées au château, mais le principal suspect étant décédé, les chances de les récupérer paraissent faibles.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°57 du 27 mars 1998, avec le titre suivant : Antiquités : Sotheby’s sur la sellette

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