ENTRETIEN

Julie Blum, directrice de la galerie Anne-Sophie Duval, spécialisée dans les arts décoratifs du XXe siècle, Paris

Par Armelle Malvoisin · Le Journal des Arts

Le 6 janvier 2009 - 657 mots

« Je travaille avec sincérité et délectation. »

À la suite du décès de votre mère Anne-Sophie Duval en avril 2008, vous avez décidé de reprendre la galerie qu’elle avait fondée. Avez-vous définitivement abandonné votre carrière d’architecte ?
Quand ma mère est tombée malade, je me suis dit qu’il était impossible que tout le travail de sa vie finisse aussi brutalement. J’ai pris le relais naturellement. Pour le moment, je suis présente à la galerie autant qu’il m’est possible. Je demeure à Londres le reste du temps où j’ai exercé depuis dix ans le métier d’architecte. Aujourd’hui, je trouve beaucoup de plaisir à diriger la galerie. Ma mère a eu une influence évidente sur mon choix du métier d’architecte, mais son goût d’antiquaire m’a certainement imprégnée. C’est pourquoi aujourd’hui, je me sens très à l’aise dans la continuation de son œuvre à la galerie.

Dans un marché aussi compétitif, ralenti de surcroît par la crise, aurez-vous les reins assez solides pour tenir ?
Je n’ai rien à perdre. Je travaille avec sincérité et délectation dans un espace extraordinaire que ma mère a occupé plus de trente années, 5, quai Malaquais [à Paris], fort d’un passé et d’une réputation. Cela me conforte dans ma décision de reprise de l’activité. Et j’ai suffisamment de caractère pour affronter les contrariétés du métier d’antiquaire.

Comment abordez-vous votre « nouveau » métier d’antiquaire ?
D’abord assez instinctivement, car ma mère m’a sans doute transmis beaucoup malgré moi. Nombre de choses me sont naturellement familières. Je le vois également comme un nouveau challenge. Et il existe plus de parallèles avec ma formation d’architecte que je le pensais, par exemple dans les rapports avec la clientèle, qui a la même exigence. Pour le côté créatif, j’ai un œil de designer dans la sélection des objets. Mais aussi un regard d’amateur, notamment dans la scénographie des pièces présentées en galerie.

Concernant d’éventuels problèmes d’authenticité auxquels le domaine de l’Art déco est parfois confronté, votre manque d’expérience ne vous fait-il pas peur ?
Je suis entourée de gens très compétents que ma mère a formés pour l’essentiel ou qui ont travaillé avec elle. J’ai confiance en ces personnes, tout en apprenant par moi-même à regarder. De plus, la galerie possède un immense fonds d’archives qui est notre grande force, car il contribue à appuyer la crédibilité de notre marchandise et la bonne réputation de la galerie.
Au-delà de cela, l’Art déco offre une diversité de réalisations qui me passionne. Chaque artiste, à sa façon, a cherché à franchir les limites de la création, en questionnant sans cesse l’univers des arts décoratifs. Je peux comprendre ce cheminement créatif, car je l’ai aussi vécu en tant qu’architecte. Cela conduit un créateur à produire des œuvres exceptionnelles, en marge de pièces plus communes. Mon travail consiste à identifier et mettre en exergue cette production d’exception.

Quel est votre goût en Art déco ?
À 25 ans, j’étais très attirée par le mobilier très moderniste de Pierre Chareau. Aujourd’hui, j’ai découvert l’univers de Jean-Michel Frank, décorateur excellant dans la simplicité et le raffinement des formes, soulignées par la beauté et le luxe des matériaux utilisés. Je viens, par exemple, d’acquérir une table basse de Frank en forme de U inversé, gainée de galuchat teinté de rose.
Dans un autre registre, j’ai beaucoup aimé travailler sur l’œuvre d’Étienne Cournault que nous avons exposé à la galerie en septembre dernier, au moment de la Biennale des Antiquaires. Cet artiste nancéen, ami de Jean Prouvé et de Jean Lurçat, a été en contact permanent avec un milieu créatif qui l’a conduit tant aux arts graphiques qu’aux arts appliqués. Ses peintures sur verre et miroir sont d’une remarquable poésie.

Quels sont vos projets ?
J’ai deux ou trois projets en cours que je laisse mûrir, sans savoir encore lequel va émerger. Je ne m’interdis pas d’organiser une exposition cette année, mais ma priorité est, dans le contexte économique actuel un peu tendu, d’être à l’écoute de l’évolution du marché.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°294 du 9 janvier 2009, avec le titre suivant : Julie Blum, directrice de la galerie Anne-Sophie Duval, spécialisée dans les arts décoratifs du XXe siècle, Paris

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