Christie’s fait sa réforme

Première vente d’art contemporain nouvelle formule

Le Journal des Arts

Le 10 avril 1998 - 699 mots

La réorganisation opérée par Christie’s de ses départements de Peinture connaîtra sa première application le 22 avril, à Londres, avec une vente d’art contemporain (lire le JdA n° 44). À cette occasion, l’auctioneer présente un nouveau format de catalogue et s’offre une nouvelle salle de vente dans un vaste entrepôt situé à Clerkenwell, un quartier est de la capitale.

LONDRES - Jusqu’à présent, les travaux de la jeune génération d’artistes contemporains ne sortaient pas du circuit des galeries qui en détenaient souvent l’exclusivité. Dans les prochains mois, certains d’entre eux feront leur entrée dans le circuit des salles de vente. Dans le cadre de la réorganisation de ses départements de Peinture, Christie’s a prévu de modifier la période permettant de déterminer les œuvres qui répondront à la dénomination de création contemporaine. Désormais, les départements Art contemporain de New York et de Londres proposeront des œuvres exécutées au cours des trente dernières années. Les œuvres des artistes considérés aujourd’hui comme contemporains, qui ne rentreront plus, au fil des ans, dans ce cadre de trente ans, glisseront dans la catégorie “XXe siècle”. Cette classification originale aura sûrement des répercussions sur le marché des maisons de vente et des galeries.

L’étape initiale de cette réorganisation se déroulera à Londres, où la première vente de ce type aura lieu, le 22 avril, sous la houlette de l’expert Graham Southern, qui dirige le département Art contemporain de Christie’s. Ce dernier mène une campagne dynamique afin d’attirer de nouveaux clients intéressés par l’art contemporain, mais pas forcément habitués aux maisons de vente. Pour séduire cette clientèle, le catalogue de la vente a été entièrement remanié. Le “petit dernier” ne ressemble plus guère aux publications Christie’s auxquelles nous étions habitués, avec son grand format, sa couvertures cartonnée, sa reliure à spirales, et ses développements théoriques sur l’art contemporain. Chaque catalogue est vendu au prix de 20 livres sterling (200 francs) afin de couvrir le coût de production des 6 000 exemplaires. Au nouveau catalogue fera écho un nouveau lieu de vente. Graham Southern a remarqué que bien souvent, l’environnement des salles de vente n’était pas adapté à l’art contemporain et à la nature des œuvres présentées. C’est pourquoi Christie’s a loué un vaste entrepôt à Clerkenwell, dans l’est londonien. Ce secteur, autrefois laissé à l’abandon, se transforme rapidement en quartier à la mode et attire surtout les jeunes citadins de la classe moyenne, le monde des médias et les artistes.

Damien Hirst
La dispersion fera la part belle à un groupe de jeunes artistes britanniques mené par Damien Hirst, qui était récemment à l’honneur à la Royal Academy de Londres dans l’exposition “Sensation”.  Mais les artistes internationaux, où figurent des Américains et des Européens, seront également représentés. La plupart des œuvres proposées, exécutées par des artistes de renom de la génération précédente, sont des valeurs sûres, comme Sterne am Fenster de Baselitz – présentée lors de l’exposition “Zeitgeist” – qui pourrait se vendre entre 180 000 et 250 000 livres (1,8 à 2,5 millions de francs). Parmi les autres lots, citons également un portrait de 1968 signé Richter, des œuvres de Beuys, Boltanski et Buren, ainsi que des “productions” minimalistes de Mangold, LeWitt, et beaucoup d’autres encore.

La grande maison de vente fera-t-elle pour autant preuve d’audace ? C’est peu probable. Tous les artistes figurant dans ces ventes sont déjà bien cotés. Certains sont représentés par des galeries telles que la Lisson ou ont été exposés dans des expositions comme “Sensation”, par exemple. Il serait abusif de s’imaginer que Christie’s va parcourir les expositions de fin d’année des écoles d’art à la recherche de nouveaux talents.

Du côté des résultats, Christie’s prévoit 3 millions de livres de recettes (30 millions de francs), soit un chiffre nettement inférieur à celui réalisé à Londres par les ventes d’art contemporain Part I et Part II en décembre dernier (6,1 millions de livres). À l’époque, la réorganisation des départements n’était pas encore entrée en vigueur. Selon le nouveau classement, parmi les dix plus grosses ventes de Part I, cinq des dix artistes concernés appartiendraient toujours à la catégorie contemporaine, y compris Richter qui a réalisé le meilleur résultat. Les cinq autres artistes devraient maintenant passer dans le département du XXe siècle.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°58 du 10 avril 1998, avec le titre suivant : Christie’s fait sa réforme

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