Christie’s séduit sans convaincre

Une démarche originale pour des œuvres d’intérêt inégal.

Le Journal des Arts

Le 9 mai 1998 - 554 mots

La première vente d’art contemporain nouvelle formule organisée par Christie’s à Londres, le 22 avril, a été un succès : 87 % de lots vendus pour 28 millions de francs. Pourtant, la qualité inégale des œuvres proposées a laissé des amateurs sur leur faim.

LONDRES - La première vacation d’art contemporain de Christie’s, à Londres le 22 avril, a constitué un événement médiatique (lire le JdA n° 58, 10 avril), alimenté par la tenue de l’exposition avant la vente dans une vieille usine abandonnée depuis plus de quinze ans, “Berry House”, au nord de la City, qui s’est révélée être un coup de maître. Cette ancienne construction industrielle, sur quatre niveaux, a été un temps utilisée comme brasserie. : escaliers de fer et de fonte, grands ateliers délabrés aux murs de briques nus ou recouverts de carreaux blancs, quelques machines rongées de rouille encore en place... Une parfaite mise en scène pour accueillir et exalter l’énergie des œuvres de Mario Merz, Jannis Kounellis, Joseph Kosuth, Sol LeWitt et Richard Long. Elle renforçait aussi l’inquiétant message des images d’Andres Serrano, Cindy Sherman, Thomas Ruff et Günther Förg, pour ne rien dire des Dispensés pour raison de santé de Damien Hirst, qui semblaient avoir été créés tout exprès pour ce lieu abandonné.

Les quelques nettoyages et restaurations nécessaires à l’aménagement des lieux ont été réalisés avec une grande maîtrise des couleurs et des lumières. Aux dires de beaucoup, Berry House était une Kunsthalle idéale. Si l’on doit rendre justice à Christie’s d’avoir eu le courage d’agir “en dehors des sentiers battus” et sans commettre d’erreurs, on regrettera toutefois que les œuvres proposées aient été, à de rares exceptions près, fort banales. En vérité, peu de pièces à garder en mémoire : le grand Igloo de Mario Merz, 250 x 500 cm, à 78 500 livres sterling (780 500 francs), dont la vente ne pourra être conclue que si l’Espagne accorde le permis d’exportation ; le Medicin Cabinet de Damien Hirst, acquis par Helly Nahmad à 188 500 livres (1,8 million de francs), un prix record pour l’artiste ; le fascinant Totenkopf de Sigmar Polke qui, malgré son mauvais état de conservation, a fait le prix le plus élevé de la vacation, 243 500 livres (environ 2,4 millions de francs) ; l’œuvre de Felix Gonzalez-Torres, Untitled (Rossmore), longue bande de bonbons disposés sur le sol – qui a singulièrement diminuée au cours des journées d’exposition – adjugée 106 000 livres (1,06 million de francs), un autre record. Pour le reste, rien à signaler, sinon les nombreuses œuvres de jeunes artistes passant pour la première fois en salle des ventes : le plus jeune, Alessandro Raho, a 27 ans.

Le choix de l’auctioneer, l’incomparable Lord Hindlip, était également parfait : à la différence d’un jeune homme qui aurait tout pris terriblement au sérieux, ce vétéran se divertissait avec charme et légèreté – et faisait participer le public – en présentant des œuvres manifestement insolites pour lui, mais sachant retrouver son sérieux lorsque les enchères s’animaient. La vente a été organisée, fort habilement, dans une salle assez petite pour paraître toujours comble, même s’il n’y avait que peu d’enchérisseurs, cependant actifs et déterminés. De bons résultats étaient au rendez-vous, puisque 87 % des lots ont été vendus pour un total de 2,82 millions de livres (28,2 millions de francs).

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°60 du 9 mai 1998, avec le titre suivant : Christie’s séduit sans convaincre

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