ARCHITECTURE

Dominique Perrault

Par Gilles de Bure · Le Journal des Arts

Le 9 décembre 2008 - 502 mots

Le camp du Drap d’or.

C’est un vaste plateau, battu par les vents, dominant la ville de Luxembourg et que l’on imagine occupé (il le fut) par les militaires fièrement campés sur leurs positions. Mais voilà, depuis que l’Europe existe, le plateau de Kirchberg est devenu le grand projet « architecturalo-urbanistique » de la ville et du grand-duché. S’y élèvent, notamment, la Philharmonie de Christian de Portzamparc (nombreux sont ceux qui voient là son chef-d’œuvre) ; la très réussie Chambre de commerce édifiée par Claude Vasconi ; le Mudam, un musée très moyen conçu par I.M. Pei (lire p. 22) ; deux tours signées Ricardo Bofill.
Au cœur du dispositif, une sorte de monstre qui s’étire sur 600 mètres de long et 150 de large : la Cour de justice des Communautés européennes, un ensemble composite qui s’annonce des plus passionnants et qui, à l’évidence, a été édifié en plusieurs étapes. Un premier bâtiment, sous la houlette de Jean-Paul Conzemius, est inauguré le 1er janvier 1973, à l’heure où l’Europe ne compte que neuf pays membres. Puis l’édifice fait l’objet de deux extensions réalisées respectivement par Bohdan Paczowski en 1988 et Paul Fritsch en 1994, alors que l’Europe passe à douze puis à quinze pays membres.

Atmosphère magique
En 1996, dans la perspective de l’élargissement de la Communauté européenne (les Vingt-Sept aujourd’hui), mission est confiée à Dominique Perrault, qui s’associe avec Paczowski et Fritsch ainsi qu’avec M3 Architectes, dans le but d’opérer une nouvelle extension et de tripler la capacité de la Cour, pour l’étendre à 150 000 m2.
« Pour les pays du nord de l’Europe, l’appellation “palais de justice” évoque avant tout la justice. Pour les pays de l’Europe du Sud, c’est plutôt l’idée de palais qui prime. La justice, ici, était déjà chez elle. Manquait le palais. C’est-à-dire le statut de la noblesse, l’orgueil de la grandeur », confie Dominique Perrault.
Conservant l’existant en le restructurant de fond en comble, évidant et augmentant, creusant le sol et faisant jaillir deux tours, créant un « anneau » comme en lévitation autour du corps central, les diverses architectures mêlent avec une grande justesse l’acier corten et le granit rose d’origine au métal doré dont sont bardés l’anneau et les tours. Atmosphère magique d’or et d’ambre, vibrations de bronze et de laiton avec, omniprésente comme il se doit chez Perrault, la maille métallique, dorée cette fois-ci et traitée, comme en couture, en « plissé soleil ». Avec, en point d’orgue, le majestueux baldaquin tendu au-dessus de la grande salle d’audience et qui évoque irrésistiblement le camp du Drap d’or [1].
Mais tout ceci n’est qu’une première étape, puisque l’équipe menée par Perrault s’attaque déjà à un plan d’urbanisme qui unifiera les équipements disparates qui occupent la partie nord du plateau. Et qui comportera également d’autres architectures, d’autres voiries, d’autres transports, d’autres jardins.

[1] du nom du camp de toiles, dont l’une était de drap d’or, dressé dans la campagne flamande à l’occasion de la rencontre en 1520 de François Ier et Henri VIII.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°293 du 12 décembre 2008, avec le titre suivant : Dominique Perrault

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