De la foire à la Kunsthalle, l’éclectisme actuel

Par Alain Cueff · Le Journal des Arts

Le 22 mai 1998 - 451 mots

Directeur de la Kunsthalle de Bâle depuis deux ans et demi, l’Autrichien Peter Pakesch souligne les missions et le rôle de l’institution.

À quelques pas du prestigieux Kunstmuseum, la Kunsthalle n’a cessé depuis plus d’un siècle et demi d’occuper une place déterminante dans le paysage de l’art contemporain. C’est ici que les artistes constructivistes russes ont trouvé une confirmation historique, ici que les expressionnistes abstraits ont été découverts, souvent pour la première fois en Europe. Cette tradition de curiosité a rendu la Kunsthalle incontournable : avec à sa tête une succession de personnalités, auxquelles l’indépendance a toujours été garantie, elle a pu imposer et maintenir ce rayonnement. Peter Pakesch, qui fut conservateur à Graz, en Autriche, et galeriste à Vienne, souligne volontiers ces atouts et cette ouverture d’esprit du public qui lui permettent de prendre quelque liberté vis-à-vis de la vocation informative d’un pareil lieu.

Indépendance et singularité
La politique audacieuse des musées, la prépondérance européenne de la foire, ont fait de Bâle un centre international : la Kunsthalle peut naturellement s’inscrire dans ce contexte. Financée en partie par le Canton, elle échappe aux enjeux politiciens et démagogiques qui, ailleurs, entravent l’activité de centres comparables. Une commission d’une dizaine de personnes (artistes, architectes, historiens, avocats…) assiste le directeur, et avec près des deux mille membres de l’association, assure institutionnellement sa spécificité et sa singularité. Après le règne de Jean-Christophe Ammann et le passage controversé de Thomas Kellein, Peter Pakesch peut en confiance définir un programme pragmatique et nuancé où se côtoient des artistes qui n’ont a priori rien de commun. “Même si l’effondrement des utopies qui avaient cours dans les années soixante est un fait acquis, explique-t-il, il me semble qu’aujourd’hui tout redevient possible. Certaines règles esthétiques ont survécu, mais les perspectives idéologiques sont totalement différentes”. La Kunsthalle doit rester un lieu d’expérimentation où se vérifie la variété des stratégies artistiques mises en œuvres.

Il n’est pas question d’éclectisme ici. Il s’agit plutôt, en risquant des comparaisons parfois inattendues, de contribuer au discernement de ce qui peut réunir et séparer les œuvres contemporaines, de dépasser les formules réductrices des catégories. Franz West, Olafur Eliasson, Edward Krasinski, Jason Rhodes, Albert Oehlen, Günther Forg, Clegg & Guttmann, parmi d’autres, se sont succédé avant que, sous un toit refait à neuf, Mona Hatoum, Tobias Rehberger et Dan Peterman n’investissent les lieux au mois de juin. À contre-courant d’une tendance dominante en Suisse, mais aussi pour équilibrer sa programmation, Peter Pakesch montrera à l’avenir de nombreux peintres. En même temps que l’exposition organisée à Zurich par Bice Curiger, il présentera à l’automne les autoportraits de Martin Kippenberger et en 1999 René Daniëls, deux artistes qui illustrent bien la curieuse et difficile liberté dont bénéficie l’art contemporain.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°61 du 22 mai 1998, avec le titre suivant : De la foire à la Kunsthalle, l’éclectisme actuel

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