Big Apple aime le mobilier français

Le Journal des Arts

Le 19 juin 1998 - 755 mots

Le mobilier français Art déco estampillé Ruhlmann, Adnet ou Arbus remporte un franc succès auprès de la clientèle new-yorkaise. Les marchands américains profitent de cet engouement, de même que certains antiquaires français comme L’Arc en Seine, qui a ouvert une galerie à proximité du Metropolitan.

NEW YORK (de notre correspondant) - Le meilleur indice du succès que connaissent certains objets d’art est la prospérité croissante du marchand qui les met en vente. Ainsi, Barry Friedman vient de doubler son espace d’exposition (passant de 190 à 380 m2) tout près de Madison Avenue. Sa prospérité témoigne de la séduction qu’opère sur le public le mobilier français des années vingt aux années quarante. Il expose également des objets décoratifs contemporains et des photographies. Sa sélection de l’été comprend des meubles de grande facture, dont un magnifique chiffonnier de Jacques Ruhlmann proposé à 85 000 dollars (510 000 francs), et un bureau en laque noire et cuivre d’André Arbus à 35 000 dollars (210 000 francs). Le mobilier d’Arbus, autrefois prisé par des esthètes tels que Cocteau, Chanel et Schiaparelli, est aujourd’hui très en vogue à New York.

Pour accompagner ce mobilier, les tableaux de Tamara de Lempicka semblent tout indiqués, comme les œuvres de Bernard Boutet de Monvel (1884-1949). Ce dernier a peint une quantité phénoménale de portraits de grandes familles, par exemple les Vanderbilt ou les Thaw. Barry Friedman présente aussi quelques-uns de ses saisissants panoramas urbains aux perspectives abruptes.

Un Français à New York
New York attire de plus en plus de marchands européens. La preuve en est l’installation récente - en novembre 1997 - de Christian Boutonnet, propriétaire de la galerie L’Arc en Seine, à Paris. Installée sur la 82ème Rue, entre Madison et la 5ème Avenue, à quelques pas du Metropolitan Museum of Art, sa galerie Rainbow Fine Art propose du beau mobilier signé Jean-Michel Frank, Giacometti ou encore Eugène Printz, ainsi que des sculptures. Il dispose d’une centaine de mètres carrés de surface d’exposition, agrémentée d’un jardin. Pourquoi New York ? “À Paris, 80 % des mes clients viennent des États-Unis, explique Christian Boutonnet. Il est beaucoup plus simple de venir à leur rencontre en présentant quelques pièces ici, à Manhattan. Les acheteurs aiment, en outre, pouvoir essayer un meuble dans leur intérieur. Les affaires marchent bien. Vendre n’est vraiment pas un problème. Il est en revanche plus difficile d’acheter aux États-Unis”. Parmi les pièces importantes qu’il expose en ce moment figurent un bureau en bois orné de fer forgé, exécuté en 1937 par Charles Charrault, à 200 000 dollars (1,2 million de francs), une table de Jean-Michel Frank en sycomore blond à 47 000 dollars (282 000 francs), ainsi qu’une petite desserte de Giacometti avec un minuscule oiseau perché sur ses branches métalliques à 125 000 dollars (750 000 francs). La passion des New-Yorkais pour ce type de mobilier semble être liée à l’architecture qui s’est développée dans cette mégapole. “C’est une ville vouée aux arts décoratifs. Il suffit de regarder les immeubles d’habitation, tels l’Eldorado ou le San Remo, pour comprendre qu’ils ont été construits pour accueillir ce mobilier”. L’Art déco français des années cinquante est également à l’honneur avec Jacques Adnet. Ses plus belles pièces, exécutées pour Hermès, l’hôtel Majestic à Cannes et le paquebot France sont présentées par la galerie de Beyrie à SoHo. Les prix élevés de ces objets s’expliquent tant par leur rareté que par l’engouement soudain qu’ils ont suscité.

Une bibliothèque signée Charlotte Perriand
Une petite table ronde réalisée pour Hermès, en cuir noir et en fer, est ainsi proposée à 14 000 dollars (84 000 francs), et les quatre chaises assorties à 16 000 dollars (96 000 francs). Jacques Adnet accentue encore l’élégance de ces objets en les ornant d’anneaux de cuivre imitant le bambou. Catherine et Stéphane de Beyrie exposent également une bibliothèque à plots et portes en tôle d’aluminium peinte, conçue par Charlotte Perriand en 1953 pour la Maison de la Tunisie, dont il a été fabriqué quarante exemplaires. Elle est en vente à 34 000 dollars (204 000 francs). Cette bibliothèque évolutive, dessinée par Perriand et mise au point par Jean Prouvé, a été agrémentée d’une étude chromatique réalisée par le peintre Sonia Delaunay. Les galeristes présentent aussi une pièce d’Alexandre Noll (1890-1970) – une imposante table basse estimée 45 000 dollars (270 000 francs) –, auquel ils ont consacré une première rétrospective à l’automne dernier. Cet artiste qui a travaillé à partir de 1920 a réalisé également de petites sculptures et des objets. Ses meubles anthropomorphes ont une dimension poétique inattendue.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°63 du 19 juin 1998, avec le titre suivant : Big Apple aime le mobilier français

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