De l’Antiquité à Giotto

Quatorze siècles d’histoire au Castel Nuovo de Naples

Le Journal des Arts

Le 19 juin 1998 - 643 mots

Les études menées sur le Castel Nuovo, bâti à Naples par la dynastie angevine, permettent de proposer aujourd’hui un véritable historique du site, du Ier au XIVe siècle de notre ère. Parmi les découvertes effectuées lors des restaurations, d’intéressants fragments de fresques sont attribués à Giotto et son atelier.

NAPLES (de notre correspondant) - Une stratigraphie couvrant mille trois cents ans d’histoire, du Ier au XIVe siècle de notre ère, a été réalisée à l’intérieur du château d’Anjou, dit Castel Nuovo, à l’occasion des travaux de restauration de la forteresse. Les sondages ont mis au jour de multiples vestiges, à proximité de la Chapelle palatine et de la salle des Barons : des structures romaines, absides et restes de murs datant de la fin de la République (Ier siècle) et de la fin de l’Empire (IIIe-IVe siècles), une nécropole byzantine (VIe siè­cle), le mur principal du premier château remontant au XIIe siècle, et des fragments d’enduit peint à fresque au XIVe siècle pour lesquels le nom de Giotto a été avancé (lire encadré).

Deux hypothèses sont envisagées pour les vestiges d’époque ro­maine. L’existence d’installations hydrauliques suggère qu’ils pourraient appartenir à un grand complexe thermal, mais l’on n’a pas retrouvé de “tuiles à mamelons” caractéristiques des installations productrices de vapeur. À moins qu’il ne s’agisse des restes de l’une de ces somptueuses villas que les nobles romains se faisaient construire sur la côte campanienne. Dans ce cas, il faudrait rattacher ces vestiges à ceux de la villa de Lucullus, déjà identifiés à une centaine de mètres de là.

La nécropole byzantine est tout aussi importante. On y a découvert 50 squelettes d’hommes et de femmes âgés de 20 à 30 ans, datant du VIe siècle, tous – à l’exception de deux – empilés les uns sur les autres, et où se mêlent des restes de cavaliers, ce que semble confirmer la mise au jour d’éperons (de facture apparemment lombarde), de ceinturons de bronze et d’un anneau orné d’un rubis . Il est probable que le château d’Anjou, édifié sur un terrain ayant appartenu à un établissement franciscain, Santa Maria ad Palatium, s’élevait sur d’antiques structures servant de poste de garde au port byzantin de Naples. Les fouilles ont également permis d’identifier un puits de décharge – la fosse où l’on jetait les ratés de la production céramique –, d’où l’on a exhumé d’intéressants fragments de carreaux émaillés et quelques objets précieux.

Les divers fragments d’enduit peint découverts au Castel Nuovo, par leur large palette de couleurs, leur composition, les décors géométriques jaune et rouge sur fond blanc, les traces de carnations, d’auréoles et de drapés, semblent appartenir à un vaste cycle figuratif, exécuté par un atelier unique. Or, à qui d’autre qu’à Giotto et son atelier pourrait se rapporter la décoration perdue, partie d’un programme plus général élaboré par Robert d’Anjou pour le château ? Pétrarque rapporte qu’entre février 1329 et mai 1331, l’artiste a peint à fresque non seulement la Chapelle palatine, avec des scènes tirées de l’Ancien et du Nouveau Testament, mais aussi une “chapelle secrète�? dont on ne sait rien de plus. Ghiberti, de son côté, cite le cycle des Neuf hommes célèbres de l’Antiquité et de leurs compagnes dans la grande salle du château. Malheureusement, le premier cycle a été endommagé par le tremblement de terre de 1456 et partiellement remplacé. Quant au second, il a été détruit au milieu du XVe siècle, époque de la construction de la grande voûte “en parapluie�? dans la salle dite ensuite “des Barons�?. Les fragments retrouvés montrent d’étroites analogies avec les parties subsistantes des scènes testamentaires – bandeaux à décor géométrique et végétal, blasons et boucliers ornés de têtes – que la critique a attribuées à Giotto et à son atelier. Affinités confirmées par les carnations, les drapés et les sujets qui, eu égard à la présence d’auréoles, sont certainement religieux.

Denise Pagano

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°63 du 19 juin 1998, avec le titre suivant : De l’Antiquité à Giotto

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