L’art du rien

Poussière et lumière à Dijon

Par Philippe Régnier · Le Journal des Arts

Le 8 juillet 1998 - 364 mots

Marcel Duchamp et Man Ray avaient fait un Élevage de poussière en 1920. À Dijon, cet été, le Frac Bourgogne leur emboîte le pas, tandis que Buren a réalisé une intervention lumineuse au Consortium.

DIJON - “Il se pourrait que ce siècle ait compris la possibilité de faire œuvre de tout. Non que nécessairement tout soit œuvre, mais que tout assurément puisse d’une façon ou d’une autre le devenir bientôt, voilà qui n’attend que l’occasion, le moment, le hasard d’une combinaison inattendue, d’une attention heureusement décalée, d’un lapsus”, soulignent Catherine Elkar et Emmanuel Latreille dans la préface du catalogue. Tirant les enseignements de cette réflexion, “Poussière (Dust Memories)” met en exergue les visions personnelles de vingt-cinq artistes vis-à-vis d’une matérialité presque insaisissable, d’un corps parcellaire que l’on chasse mais qui sans cesse réapparaît, de la noblesse d’une substance synonyme de saleté. L’œuvre la plus spectaculaire, que l’on découvre en pénétrant dans l’exposition, est sans aucun doute l’intervention de Claudio Parmiggiani dans la salle de documentation. À l’aide de fumée, il présente un négatif de la pièce à l’intérieur d’elle-même, puisque seules les surfaces vierges de particules sont restées blanchâtres. Tantôt matière première, tantôt convoquée pour mettre en évidence une absence, ou encore utilisée métaphoriquement, la poussière dans l’univers artistique relève à la fois de l’apparition et de la disparition. Jean Dupuy propose ainsi “de voir et entendre la poussière du lieu”, une œuvre en résonance avec Blank de Hugues Reip, tandis que Robert Filliou a prélevé des échantillons de poussière sur différents chefs-d’œuvre – dans la série Poussière de poussière – pour montrer leur égalité de ce point de vue.

À quelques centaines de mètres de là, poussière et lumière se retrouvent encore dans l’intervention in situ de Buren au Consortium. Dans une déclinaison alphabétique des couleurs, l’artiste éclaire le lieu tout en s’y inscrivant parfaitement.

POUSSIÈRE (DUST MEMORIES), jusqu’au 5 septembre, Frac Bourgogne, 49 rue de Longvic, 21000 Dijon, tél. 03 80 67 18 18, tlj sauf dimanche 10h-12h et 14h-18h, samedi 14h-18h. Catalogue, 120 p., 120 F.
DANIEL BUREN, jusqu’au 25 juillet, Le Consortium, 37 rue de Longvic, 21000 Dijon, tél. 03 80 68 45 55, tlj sauf dimanche et lundi 14h-18h.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°64 du 8 juillet 1998, avec le titre suivant : L’art du rien

Tous les articles dans Expositions

Le Journal des Arts.fr

Inscription newsletter

Recevez quotidiennement l'essentiel de l'actualité de l'art et de son marché.

En kiosque