Une première au Canada

Cent soixante-dix œuvres de Giacometti à Montréal

Le Journal des Arts

Le 8 juillet 1998 - 540 mots

Pour la première fois au Canada, un musée rend hommage à l’œuvre d’Alberto Giacometti. Indifféremment sculpteur, peintre, dessinateur et graveur, il a créé des figures qui comptent parmi les plus fortes sentinelles érigées par l’art de ce siècle. La collaboration de la Fondation Maeght et d’une vingtaine de musées, de fondations et de collectionneurs européens, canadiens et américains a permis cette vaste rétrospective dont Montréal est la seule étape nord-américaine.

MONTRÉAL (de notre correspondante) - Le Musée des beaux-arts de Montréal est la première institution canadienne à consacrer une exposition aussi importante à celui que Picasso qualifiait de “plus grand sculpteur du vingtième siècle”. Alberto Giacometti (1901-1966) est en fait relativement peu connu au Canada : seuls les musées de Toronto, d’Ottawa et de Montréal possèdent quelques-unes de ses œuvres.

Sur les 170 pièces exposées, qui illustrent de manière équilibrée ses différentes activités de peintre, sculpteur, dessinateur et graveur, une bonne cinquantaine proviennent de la Fondation Maeght à Saint-Paul-de-Vence, dont Jean-Louis Prat, le commissaire invité, est le directeur. Pour qui a déjà eu le bonheur de contempler les fameuses sentinelles de Giacometti dans ce prestigieux site du sud de la France, leur confinement aux cimaises d’un musée peut sembler une hérésie. C’est sans compter avec la force de l’œuvre. De fait, tout au long du parcours chronologique étalé sur huit salles, l’intérêt de la rétrospective finit par l’emporter sur les désagréments entraînés par la présentation serrée.

Du début à la fin, l’approche de la matière, les sculptures de plus en plus émaciées avec le temps, les peintures aux traits nerveux, tracées au couteau, les têtes dessinées comme autant d’écheveaux évoquent le cadre minéral et escarpé de son enfance dans un village de montagne. Des premières œuvres de jeunesse, qui rappellent qu’il s’est d’abord tourné vers la peinture, jusqu’aux réalisations finales, en passant par les sculptures cubistes ou surréalistes, l’attachement à la représentation de la figure humaine reste la grande constante de Giacometti. Inlassablement reprise à travers les mêmes modèles – sa femme Annette, son frère Diego, sa mère –, elle devient son tourment et son obsession.
Le nouveau regard qu’il porte sur son environnement vers le milieu des années quarante, par lequel il dépouille toute chose, toute forme de ses traits familiers jusqu’à se la rendre étrangère, le pousse à réduire la figure humaine à une fragile armature : les figurines à peine plus grandes qu’une épingle, les têtes campées sur des hampes à la manière des trophées des Jivaros, et parfois peintes, sont les images mêmes de la vie menacée ; dans les toutes dernières années cependant, certains bustes reprennent du volume. Ce qui marque de la manière la plus indélébile l’œuvre de Giacometti, outre la solitude de chaque figure, est certainement cette recherche obstinée de la “ressemblance” que l’artiste sait ne jamais pouvoir atteindre. Dans cet échec affronté quotidiennement réside pour lui l’essence de la création artistique. “Tout ça, ce ne sont que des esquisses, des essais. Je tâtonne autour de la sculpture et je suis persuadé que la sculpture c’est autre chose”, disait-il.

ALBERTO GIACOMETTI, LE PLUS GRAND SCULPTEUR DU VINGTIÈME SIÈCLE, jusqu’au 18 octobre, Musée des beaux-arts, Pavillon Jean-Noël Desmarais, 1380 rue Sherbrooke Ouest, Montréal, tél. 1 514 285 2000, tlj sauf lundi 11h-18h, mercredi 11h-21h.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°64 du 8 juillet 1998, avec le titre suivant : Une première au Canada

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