Paul Klee, artiste clé

Le plaisir de “l’improvisation psychique�?

Le Journal des Arts

Le 8 juillet 1998 - 506 mots

À travers les cent dix œuvres réunies à Madrid par la Fondation Thyssen-Bornemisza et l’Ivam de Valence, l’art de Paul Klee apparaît d’une exceptionnelle richesse et d’une grande diversité. Des premiers dessins presque macabres de 1913 aux toiles d’une grande force émotionnelle qu’il a exécutées l’année de sa mort, en 1940,l’exposition s’attache à tous les aspects de son inépuisable créativité et de son inventivité protéiforme.

MADRID - Le visiteur de l’exposition découvre successivement une toile d’inspiration mélancolique et funèbre telle Mort et feu de 1940, année de sa mort précoce des suites d’une sclérodermie (une grave affection cutanée), puis une aquarelle abstraite et lyrique exprimant une joie exubérante comme Abstraction sur un motif d’Hammamet (1914) inspirée par son fameux séjour en Tunisie. Grâce à de nombreux prêts de collectionneurs privés, la Fondation Thyssen-Bornemisza présente 110 œuvres de Klee, que Juan Manuel Bonet, directeur de l’Ivam, et Tomás Llorens, conservateur en chef de la collection Thyssen, reprenant le jugement de Rilke, qualifient eux-mêmes d’artiste “difficilement classable”.

Klee répond à la lumière d’Afrique du Nord par un chromatisme léger, joyeux, intense. À son retour, il déclare notamment : “La couleur et moi, nous ne faisons qu’un”, se décrivant comme l’esclave de “la déesse du pinceau aux parfums d’huile”. Malgré ces couleurs en hommage à la vie, Paul Klee est souvent considéré comme l’exemple même du peintre intellectuel du XXe siècle, ce qui semble lui être un piètre hommage. Cette triste notoriété s’explique en partie par les abondantes notes et conférences pédagogiques qu’il a rédigées pendant ses dix années d’enseignement au Bauhaus, d’abord à Weimar en 1921, puis à Dessau à partir de 1925. Il est vrai que les milliers de pages elliptiques déposées à la Fondation Paul Klee, à Berne, peuvent le faire apparaître comme trop soucieux de concepts visuels obscurs et de sémiologie absconse. Il ne faut cependant pas oublier que sa peinture est essentiellement ludique. Durant ses années au Bauhaus avec son ami Kandinsky, Paul Klee a constitué une imposante collection de dessins d’enfants, poursuivant l’idée chère à Wordsworth, Blake, Ruskin, Nietzsche et Baudelaire que les enfants, avant d’être éduqués, sont plus proches de la vérité que l’adulte, parce qu’ils ont, comme le disait Rousseau, “un regard innocent”.

Paul Klee qui, dans sa Confession créatrice, affirmait que “l’art ne rend pas le visible mais le crée”, était sans cesse en quête de nouveaux moyens de s’adonner à ce qu’il appelait “l’improvisation psychique”. Cette dimension à la fois mystique et de bon sens le rend difficile à cerner. L’exposition célèbre avec bonheur le lyrisme de Klee, son sens de la mesure, la simplicité de ses formes, son hommage constant à la vie et à la nature. Elle le présente comme l’un des artistes clés du XXe siècle, un créateur profondément sérieux qui puisait son inspiration dans un univers ludique secret et laissait son imagination s’évader dans le monde des rêves qui était le sien.

RÉTROSPECTIVE PAUL KLEE (1879-1940), jusqu’au 12 octobre, Fondation Thyssen-Bornemisza, Palacio de Villahermosa, Madrid, tél. 34 1 369 01 51, tlj sauf lundi 10h-19h.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°64 du 8 juillet 1998, avec le titre suivant : Paul Klee, artiste clé

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