L’art vénézuélien se rit des crises politiques et économiques

Le Journal des Arts

Le 8 juillet 1998 - 949 mots

Les difficultés politiques et économiques qu’a connues le Venezuela depuis dix ans n’ont empêché ni la constitution d’importantes collections d’art publiques et privées ni l’épanouissement de jeunes artistes.

CARACAS - Au cours des dix dernières années, la scène artistique au Venezuela a évolué avec dynamisme, en dépit des difficiles transitions politiques et économiques. Les musées ont pris le relais des galeries d’art – dont beaucoup n’ont pas survécu à la crise du milieu des années quatre-vingt-dix – pour assurer la promotion de la nouvelle génération d’artistes, en organisant des expositions collectives et des biennales. Depuis deux ans, la reprise économique a permis à de nombreuses galeries de voir le jour, même si la plupart ne proposent rien de vraiment nouveau. Malgré le recul des marchés de l’art moderne et contemporain au cours des années quatre-vingt-dix, quelques grands collectionneurs ainsi que certaines institutions privées ont pu constituer de riches ensembles d’art vénézuélien, latino-américain et international : les collections Patricia Cisneros, Ignacio et Valentina Oberto, Alfonso Pons, Jimmy Belilty, ou celles de la Banco Mercantil et de la Fundación Polar.

Du fait de l’histoire relativement récente de ce pays, de sa foi en l’avenir et de la présence des cultures nord-américaine et européenne, les artistes modernes et contemporains vénézuéliens se distinguent par l’intérêt qu’ils portent au reste du monde, la diversité de leur production et l’absence d’imagerie politique exotique généralement attribuée à l’art latino-américain. Leur priorité est bien souvent d’élargir le contexte de l’art conceptuel, de l’installation, de la vidéo et de la photographie, et de délaisser le support officiel des années quatre-vingt : la peinture.

Les artistes qui ont percé à la fin des années quatre-vingt – Meyer Vaisman et José Antonio Hernández-Diez, connus pour leurs installations, ou le photographe Sammy Cucher – se sont imposés comme les grands représentants de leur génération, autant dans leur pays qu’à l’étranger. De nouveaux artistes, dont la plupart ont étudié ou vécu à l’étranger, ont fait leur apparition sur la scène artistique  mais aussi internationale, tels les photographes Luis Molina-Pantin, Alfredo Sosa, Andrés Manner, Mauricio Lupini, Alexander Apostol, ou les créateur spécialisés dans la vidéo, les installations et les supports combinés, comme José Gabriel Fernández, Javier Téllez ou Alfredo Ramírez, Diana López et Carlos Julio Molina.

Représentants de l’art cinétique
Au cours de la dernière décennie, les artistes conceptuels des années soixante-dix, tels que Roberto Obregón, Claudio Perna, Héctor Fuenmayor, Sigfredo Chacón, Eugenio Espinoza, Antonieta Sosa et Alfred Wenemoser, ont refait surface et retrouvé leur statut de symboles de l’art actuel vénézuélien.

La plupart des musées et des galeries du Venezuela sont dirigés par des femmes. Sous la direction de Tahia Rivero, le Museo Alejandro Otero (Mao) est devenu l’un des musées du pays les plus au fait de la création contemporaine. En mai dernier, le Mao a exposé des œuvres de la cinquième Bienal Nacional de Guayana, conçue par Ruth Auerbach pour le Museo Jesús Soto à Ciudad Bolívar. Sofía Imber, célèbre journaliste et critique d’art, a fondé le Musée d’art contemporain de Caracas Sofía Imber (Maccsi), qui organise tous les deux ans, toujours sous sa direction, le Salón Pirelli pour les jeunes artistes. Depuis le mois de juin et jusqu’à fin juillet, le Maccsi, le Mao et le Centre Lía Bermúdez de Maracaibo présentent ensemble l’exposition internationale “Barro de América”. En octobre, le Maccsi consacrera une exposition à Jesús Soto, l’un des grands représentants de l’art cinétique, et, en novembre, à Manuel Espinoza, lauréat du concours national de peinture 1986. Le Musée des beaux-arts, dirigé par Maria Elena Ramos, présente jusqu’au 2 août des dessins latino-américains contemporains ; en novembre, il proposera une monographie de l’artiste d’art conceptuel Antonieta Sosa. La National Gallery et le Musée Jacobo Borges – du nom du célèbre artiste vénézuélien mais sans aucun lien avec l’écrivain du même nom – préparent conjointement un vaste programme d’expositions incluant des artistes modernes et contemporains vénézuéliens, latino-américains et internationaux.

En dehors de Caracas, le Musée d’art contemporain de Maracay Mario Abreu a pu renaître sous la direction d’Idelisa Rincón, et le Maczul, l’un des plus grands musées d’art contemporain d’Amérique latine ouvrira ses portes dans le courant de l’année à Maracaibo.

Parmi les fondations et les espaces privés, la Sala Mendoza, dirigée par Cecilia Fajardo-Hill, le lieu alternatif le plus reconnu du pays, a accueilli en juin sa biennale Premio Mendoza. Le Centre culturel Consolidado renaît, lui, sous la direction de Rita Silvestrini.

Avec à sa tête Elvira Neri, la Sala Alternativa a su conserver son rang au sein des grandes galeries d’art contemporain de Caracas, en exposant de nouveaux talents, par exemple les photographes Alfredo Sosa et Maggy Navarro, ainsi que des artistes confirmés comme le peintre Eugenio Espinoza. Dirigé par Rosanna de Ambrosino, le Centre d’art euro-américain poursuit la promotion d’un groupe révélé dans les années quatre-vingt, tels le peintre et créateur d’installations Carlos Zerpa. Sous la direction de Rosanna Guastaferro, Ars Forum Galería de Arte a lancé des artistes expérimentaux comme Luis Romero et Dulce Gómez, mais le plus connu est Roberto Obregón, qui participait l’an dernier à la Biennale de Venise. À la D’Museo Gallery, Nicome des Febres, Ana Pina Vicentini et Zoraida Febres de Irazabal sont les organisateurs de l’importante foire internationale d’art, la Fia. L’artiste Diana López et l’architecte Carolina Tinoco viennent de fonder Local, la première résidence d’artistes du Venezuela.

En pleine année électorale, la scène artistique se révèle riche en manifestations : en avril, le premier Festival des arts plastiques organisé par le Centre culturel Consolidado, a permis à tous ces artistes d’exposer leurs créations, tandis que la Fia 98 accueillait, du 1er au 6 juillet, quarante-neuf exposants du Venezuela, d’Amérique latine et d’Europe, venus présenter des œuvres d’art moderne et contemporain.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°64 du 8 juillet 1998, avec le titre suivant : L’art vénézuélien se rit des crises politiques et économiques

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