Las Vegas joue et gagne sur tous les tableaux

Par Martin Bailey · Le Journal des Arts

Le 8 juillet 1998 - 492 mots

À partir d’octobre, une importante collection de tableaux modernes signés Degas, Van Gogh, Gauguin, Picasso, ou Pollock… sera ouverte au public à Las Vegas. Contre toute attente, il ne s’agit pas d’un musée mais d’un hôtel qui espère, grâce à sa galerie, remplir ses chambres et ses salles de jeux.

LAS VEGAS - Avec son lac artificiel aussi grand que celui de Côme, ses 3 005 chambres, ses 139 tables de jeux et ses 2 500 machines à sous, le Bellagio est peut-être le plus grand complexe hôtelier jamais construit. Mais la concurrence est rude à Las Vegas, et une attraction supplémentaire a été prévue pour son ouverture au mois d’octobre : une collection d’œuvres d’art d’une valeur de 300 millions de dollars (1,8 milliard de francs). Le Bellagio possède désormais des œuvres de la plupart des grands artistes depuis la fin du XIXe siècle : Cézanne, Degas, Léger, Manet, Matisse, Miró, Modigliani, Monet, Picasso, Pissarro et Renoir. Les chefs-d’œuvre étant rarement bon marché, la Famille tahitienne de Gauguin a coûté plus de 20 millions de dollars et la Jeune fille au chapeau de paille par Van Gogh, 47 millions.

La plupart des œuvres ont été achetées au cours des deux dernières années : Mirage Resorts Inc., la société dirigée par Stephen Wynn, a ainsi dépensé 190,3 millions de dollars entre 1996 et 1997. Elle a ensuite revendu à son président quatre des tableaux pour 25,6 millions. M. Wynn a conservé un Picasso et a immédiatement loué les trois autres à Mirage, ainsi que huit nouvelles œuvres. Le tableau le plus important du lot est certainement la Jeune fille au chapeau de paille par Van Gogh, qui faisait jusqu’à présent partie de la collection Hahnloser, à Berne, et dont le prix de vente a été l’un des plus élevés de ces dernières années. S’y ajoutent, pour une valeur totale de 50 millions de dollars, sept œuvres contemporaines de Johns, Kline, De Kooning, Lichtenstein, Pollock, Rauschenberg et Twombly, pro­bablement achetées au marchand new-yorkais William Acquavella, qui a acquis la succession Pierre Matisse (lire page 44). Au total, Stephen Wynn a dépensé en neuf mois 121,4 millions de dollars pour les onze toiles louées à Mirage, qui lui reverse 4,8 millions de dollars par an de location, environ 4 % de la valeur des tableaux. Il a financé une partie de son investissement par la vente d’actions de la société. Celle-ci n’oublie pas ses propres intérêts puisqu’elle a demandé une exemption de taxe de propriété de 2,8 millions de dollars pour la présentation de la collection au public. Néanmoins, l’accès à la galerie sera payant, afin de couvrir les frais d’assurance et de sécurité.

Une mention en bas de page dans le bilan de Mirage Resorts souligne que les coûts de construction du Bellagio – 1,6 milliard de dollars – ne comprennent pas “les achats d’œuvres d’art pour l’exposition et la revente”. Il n’est donc pas exclu que leurs cartels comportent aussi un prix.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°64 du 8 juillet 1998, avec le titre suivant : Las Vegas joue et gagne sur tous les tableaux

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