Censure à la française

Cinquante et une photos d’Oleg Kulig ont été retirées de la FIAC par la police française.

Par Roxana Azimi · Le Journal des Arts

Le 29 octobre 2008 - 508 mots

Un an tout juste après la censure opérée par les autorités russes sur dix-neuf œuvres mandées en France pour l’exposition « Sots Art » à la Maison Rouge (lire le JdA n°267, 19 octobre 2007), cinquante et une photos de l’artiste russe Oleg Kulig, exposées sur la Foire internationale d’art contemporain (FIAC) à Paris, ont été mises à l’index, cette fois par le parquet parisien.

Oleg Kulig%26copy; Galerie Rabouan Moussion

PARIS - Le 22 octobre, jour de l’inauguration du salon au Grand Palais, les douanes françaises ont procédé à une vérification d’usage du stand de la galerie XL (Moscou). Les fonctionnaires ont alors tiqué devant les photos des performances des années 1990 de Kulig, lorsque ce dernier se transformait en chien rageur. « À un moment, ils nous ont dit que certaines images n’étaient pas appropriées, mais ce n’était pas formulé comme une opinion officielle. Ils ont dit qu’ils reviendraient », nous a raconté Sergey Khripoun, codirecteur de la galerie. Le lendemain, la galerie affiche deux avertissements de part et d’autre du stand précisant que certaines œuvres étaient susceptibles de choquer les visiteurs. Alors que l’incident semblait clos, des policiers en civil sont venus retirer les œuvres le 24 octobre. Motif ? Suite à une plainte déposée au parquet, celles-ci étaient jugées à caractère violent et pornographique et pouvaient porter atteinte à la dignité humaine. Comble de l’ironie, le catalogue des performances de Kulig, édité par XL, porte pour titre : Nihil inhumanum a me alienum puto (rien de ce qui est inhumain ne m’est étranger)… « Ils ont dû penser que c’était des séances d’humiliation du genre d’Abou Ghraib, observe Sergey Khripoun. Ils ont enlevé toutes les photos avec des chaînes ou des colliers de chien du mur et d’autres de la réserve et nous ont emmenés pendant cinq heures au poste de police. »

Finalement, le commissaire général de la FIAC, Martin Bethenod, a pu récupérer les œuvres le 25 octobre. « La FIAC a été instituée gardienne des photos, explique-t-il. Pour qu’elles puissent être restituées à leurs propriétaires, il faut une décision du magistrat et cela peut prendre deux ou dix jours. Aucune charge n’a été retenue contre les galeristes qui pourront rentrer en Russie après la foire. » Dès la fin du salon, les pièces ont rejoint un garde-meuble dans l’attente de la restitution à la galerie XL et aux collectionneurs qui les ont acquises, notamment le galeriste parisien Hervé Loevenbruck. « J’avais acheté trois photos de sa première performance lorsque, tenu en laisse, il sautait sur une voiture de police, confie ce dernier. Ce n’était pas dégradant mais dénonciateur. » Rappelons d’ailleurs que l’État français, via le Fonds national d’art contemporain (FNAC) possède certains de ces clichés jugés outranciers !

La censure, qui n’est plus l’apanage des régimes autoritaires, se révèle particulièrement aléatoire. Aucune grenouille de bénitier ne s’est offusquée de la demi-poupée d’Hans Bellmer à la galerie 1900-2000 (Paris) sur la FIAC. Personne n’a importuné non plus la Galerie Rabouan-Moussion (Paris) alors qu’elle expose les photos des performances de Kulig jusqu’au 1er novembre…

Sites Internet : www.rabouan-moussion.com

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°290 du 31 octobre 2008, avec le titre suivant : Censure à la française

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