ENTRETIEN

Peter Nagy

Directeur de la galerie Nature Morte

Par Roxana Azimi · Le Journal des Arts

Le 29 octobre 2008 - 774 mots

« Le marché indien doit se développer »

La galerie Nature Morte a été lancée par Peter Nagy d’abord à New York en 1982 avant de renaître à New Delhi en 1997 sous forme de laboratoire itinérant puis d’espace permanent en 2003. Nature Morte ouvrira en novembre une antenne à Berlin.

Vous participez à la Foire internationale d’art contemporain (FIAC) depuis trois ans et vous faites Paris Photo pour la première fois. Pourquoi venir deux fois à Paris à un mois d’intervalle ?
Nous avons beaucoup d’intérêt de la part des collectionneurs français qui sont dans l’ensemble bien informés sur l’Inde. Les gens ont été sensibilisés avec l’exposition « Indian Summer » à l’École nationale supérieure des beaux-arts de Paris en 2005. Comme beaucoup de nos artistes y étaient bien représentés, nous sommes devenus populaires à la FIAC en 2006. À Paris Photo (lire p. 17), nous présentons une exposition personnelle de Dayanita Singh. C’était une opportunité de montrer son travail dans un contexte [consacré uniquement à la photographie] car nous ne faisons pas habituellement de foires spécialisées. Nous ne présentons pas son travail sur les salons car elle n’aime pas l’ambiance des foires. Juste après Paris Photo, nous inaugurons notre galerie à Berlin avec le travail de Dayanita.

Comment expliquez-vous l’engouement pour l’art indien ? Est-ce de la curiosité, de l’exotisme, une possibilité pour la spéculation ?
Certainement un peu des trois, mais je pense que la culture indienne devient plus importante à tous les niveaux, dans la littérature, la gastronomie, la mode et la musique. Bien sûr, la nouveauté est un ingrédient marketing et à cet égard, le monde de l’art n’est guère différent de n’importe quel autre business. L’intérêt pour l’art contemporain indien s’est bâti progressivement, d’abord avec des curateurs intelligents à la fin des années 1990. Puis vinrent vers 2001-2002 les collectionneurs agressifs et les marchands privés, principalement européens, qui, après avoir acheté de l’art chinois, sont venus chercher la seconde vague et l’ont trouvée. Beaucoup de ceux-là prédisent déjà que le phénomène est passé et se sont reportés sur l’Iran et le Moyen-Orient. Le mouvement suivant fut celui des commissaires d’exposition préparant des panoramas de l’art indien. En 2009, par exemple, l’Inde sera le pays invité par l’ARCO à Madrid et différents musées espagnols auront des expositions sur ce thème. Maintenant, on voit arriver des galeristes qui au début ne voulaient que des expositions collectives et qui maintenant cherchent des figures singulières. En dehors des Européens, l’intérêt vient principalement des pays asiatiques et étonnamment très peu des États-Unis, hormis de la diaspora indienne qui y est installée.

L’envolée des prix peut-elle nuire à la créativité des artistes indiens et les amener à produire de l’art pour l’export comme en Chine ?
Certains travaillent dur et profitent de l’engouement pour agrandir leurs ateliers et investir dans la qualité de leurs productions. D’autres produisent à la chaîne des œuvres médiocres pour de l’argent. Certains se sont érigés bien au-dessus de la mode et resteront sur le long terme tandis que d’autres disparaîtront au premier coup de mou du marché. Il existe un phénomène très particulier : l’artiste indien paresseux, qui perd de nombreuses opportunités parce qu’il ou elle ne veut pas travailler.

L’Inde est très protectionniste. Quand les collectionneurs indiens commenceront-ils à s’intéresser à l’art occidental ?
L’Inde a eu une économie protectionniste depuis son indépendance en 1947 et depuis douze ans, le pays commence à se libéraliser. Il y a encore du chemin à faire. Le marché pour les biens étrangers, et pas seulement artistiques, est encore nouveau. Celui de l’art contemporain lui-même est jeune. Il doit se développer avant d’assimiler d’autres cultures. L’Inde [est] complexe, aussi vaste que l’Europe et aussi diverse, et donc synthétiser le tout dans un ensemble cohérent [s’avère] difficile. D’une certaine façon, les Indiens n’ont pas à regarder ailleurs pour trouver de l’exotisme ou de l’altérité. Ces dix dernières années, le marché s’est ouvert aux artistes pakistanais et à ceux de la diaspora. Le monde de l’art en Inde s’intéresse à ce qui se passe dans le monde, mais les tarifs font qu’il est prohibitif pour les galeries d’importer de l’art qui soit à vendre.

Pourquoi vous êtes-vous associés à une maison de ventes, Phillips de Pury & Company, pour organiser des expositions à New York et à Londres ?
Phillips de Pury & Company a l’habitude de s’associer à des galeries pour monter des expositions. Je ne voulais pas de vente publique et je leur ai proposé une exposition de dix artistes, avec essentiellement de nouvelles œuvres. Évidemment, les magnifiques espaces dont ils disposent à Londres comme à New York ont pesé sur mon intérêt à travailler avec eux.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°290 du 31 octobre 2008, avec le titre suivant : Peter Nagy

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