Londres

Frieze à l’âge adulte

Par Roxana Azimi · Le Journal des Arts

Le 29 octobre 2008 - 776 mots

Sans être dévastée par la crise, la foire a affiché des résultats mitigés.

LONDRES - « C’était mieux que ce qu’on craignait ». Cette phrase revenait en boucle dans la bouche des exposants de la foire Frieze Art Fair à Londres organisée du 16 au 19 octobre. Bien qu’il n’y ait pas eu péril en la demeure, l’humeur générale était plus au calme qu’à la frénésie, à la prudence qu’à la prodigalité. « L’époque où les galeries n’acceptaient les réservations que pendant dix minutes est révolue, observait Gil Presti, de la galerie Sutton Lane (Londres). On a eu des réservations, on espère qu’elles vont tenir. » Car l’annulation est devenue un sport en vogue ! La galerie new-yorkaise Salon 94 avait ainsi apporté une sculpture d’Huma Bhabha, initialement vendue à un collectionneur américain, lequel s’était finalement rétracté après les Yo-Yo boursiers. À une époque où les banques sont renflouées par les États, les collectionneurs ne peuvent décemment pas jouer les cigales. « La situation de la banque Fortis est une catastrophe nationale, car un Belge sur quatre est lié à cette banque. Les collectionneurs belges font attention », observait le Flamand Walter Van Haerentz. Si les plus jeunes galeries faisaient grise mine, les grosses enseignes ont très bien tiré leurs marrons du feu. Hauser & Wirth (Zurich-Londres) affichait presque sold out, en cédant notamment une œuvre de Louise Bourgeois pour 300 000 dollars et une toile de Subodh Gupta pour 400 000 euros. Cherchez l’erreur ! Les écarts de prix entre artistes adoubés par l’histoire de l’art et nouvelles météorites ne sont pas encore rectifiés, malgré la vente catastrophique de Phillips de Pury & Company le 18 octobre, où seuls 25,72 % des lots se sont vendus en valeur… La consultante Patricia Marshall a fait feu de tout bois en achetant pour le compte de la décoratrice Roxane Rodriguez, une photo de Paul McCarthy chez Hauser & Wirth, une sculpture de Franz West chez Gagosian (New York, Los Angeles, Londres, Rome, Moscou), et un Rudolf Stingel chez Massimo de Carlo (Milan). Thaddaeus Ropac (Paris-Salzbourg) avait lui vendu toutes ses sculptures, de Tony Cragg à Antony Gormley en passant par Tom Sachs.
La foire a évité la casse sans échapper toutefois à la fadeur. Le « bling-bling » qui aurait fait mauvais genre dans une période d’austérité, avait été remisé hormis chez Jablonka (Berlin). Celui-ci présentait une orgie visuelle de David Lachapelle, convoquant aussi bien la bimbo Paris Hilton que La Mort de Sardanapale, un climat de chute de l’Empire romain au diapason des dérives de notre société. Plus finement synchrone avec la situation actuelle, la Fair gallery jouait, elle, sur les notions de destruction et de réversibilité. « La création est devenue un lieu commun, confiait Pierre Bal-Blanc, commissaire du stand. Pour recommencer à en parler, il faut prendre des mesures radicales. » Plus qu’une radicalité, on percevait un timide retour à des fondamentaux avec la présence remarquée des photos de Hans-Peter Feldman, dont une série a été achetée par la Tate chez Simon Lee (Londres), ou des estampes d’Eduardo Paolozzi, emportées par l’artiste Keith Tyson chez Gavin Brown (New York). David Juda (Londres) avait même consacré plusieurs murs à François Morellet, artiste qu’il ne montrait plus guère sur les foires. « Il nous semblait que c’était le moment de le faire », confiait-on à la galerie.

Les satellites volent la vedette

Pour la seconde fois consécutive Zoo Art Fair et London Art Design ont volé la vedette à Frieze. Zoo Art Fair combinait sérieux et énergie avec le duo Nina Beier & Marie Lund chez Laura Bartlett (Londres) ou l’exposition personnelle d’Olivier Millagou chez Bischoff-Weiss (Londres). Contrairement à leurs confrères aussi jeunes mais dépités de Frieze, les exposants de Zoo Art Fair ont bien tiré leur épingle du jeu grâce à des prix très raisonnables. Laurent Godin (Paris) indiquait d’ailleurs avoir vendu plutôt des petites pièces. La foire de design était à la fois de taille parfaite et d’une rare élégance. Les résultats furent néanmoins en dents-de-scie. Alors que les Parisiens Downtown et Chahan, ou Carpenters Workshop (Londres) s’en sont sortis haut la main, d’autres faisaient la moue. « On n’est plus à notre place ici, il y a une vraie césure entre design historique et contemporain », regrettait le marchand bruxellois Philippe Denys. Il y avait bien de quoi tiquer devant les lassantes envolées futuristes de Zaha Hadid sur le stand carrossé de David Gill (Londres), ou les « meubles » en marqueterie de marbre de l’artiste Marc Quinn chez Carpenters Workshop. Qu’on le dise une bonne fois pour toutes : Marc Quinn n’est pas un designer, pas plus que Ron Arad n’est un artiste...

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°290 du 31 octobre 2008, avec le titre suivant : Frieze à l’âge adulte

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