La main aux régions

Par Daphné Bétard · Le Journal des Arts

Le 28 octobre 2008 - 714 mots

Un rapport consacré au patrimoine monumental relance la piste du transfert aux collectivités.

PARIS - Président de l’Établissement public du musée et du domaine national de Versailles mais aussi membre du Conseil économique et social (CES), Jean-Jacques Aillagon a remis à ce titre le 22 octobre un projet d’avis destiné à initier une « nouvelle dynamique pour les politiques de conservation du patrimoine monumental ». Comme il le rappelle en prologue, les rapports dans le domaine sont nombreux (pas moins de quatre pour la seule année 2007 émanant du Sénat, de la Cour des comptes ou du ministère de la Culture), et montrent les besoins criants du secteur. Le texte de l’ancien ministre propose de relancer le transfert de certains monuments historiques aux collectivités territoriales. Portée par les travaux de la commission présidée en 2003 par René Rémond, l’opération initiée par la loi du 13 août 2004 s’était soldée par un relatif échec, moins d’un tiers des 176 monuments proposés par l’État en ayant au final bénéficié. Pour l’ancien ministre, l’opération de transfert devrait se faire dans les deux sens et l’État devrait pouvoir récupérer à son tour des monuments appartenant aux collectivités. Le texte relance ainsi le débat sur les cathédrales qui pourraient systématiquement être transférées aux départements ou aux régions – exceptées celles directement liées à l’Histoire nationale telles Saint-Denis ou Reims – et, en contrepartie, l’État pourrait « adopter » un édifice emblématique du département où il ne possède pas déjà un monument historique.
Cette notion de transfert est restée dans tous les esprits. Le 14 octobre, le sénateur Philippe Richert a ainsi déposé au Sénat une proposition de loi modifiant celle du 13 août 2004 et son décret d’application (20 juillet 2005) qui fixait à 176 le nombre de monuments historiques. Le sénateur propose de supprimer « la limitation à une liste et dans le temps des possibilités de transfert du patrimoine de l’État et de ses établissements publics (et non plus le seul Centre des monuments nationaux) », autrement dit de lancer un appel généralisé et sans limite temporelle au volontariat des collectivités territoriales.
Surfant sur l’idée d’un « partage » des responsabilités, Jean-Jacques Aillagon propose également de confier aux régions la possibilité d’inscrire un monument sur l’Inventaire supplémentaire des monuments historiques – le classement resterait, lui, aux mains de l’État –, et ce, au terme de cinq années d’expérimentation dans deux régions pilotes. On peut légitimement s’interroger sur l’intérêt d’une telle réforme, d’autant plus qu’il existe de très fortes disparités en termes de politique culturelle d’une région à l’autre. Le texte en appelle également à l’indispensable (et très attendue) pérennisation des crédits affectés au patrimoine et reprend le chiffre plusieurs fois avancé d’un budget annuel de 400 millions d’euros. Pour ce, il est proposé, comme l’a déjà formulé la Rue de Valois, de tirer de nouveaux financements des jeux de loterie – un prélèvement annuel de 0,5 % sur le chiffre d’affaires de la Française des jeux pourrait générer 45 millions d’euros et 90 s’il était porté à 1 %. Le projet d’avis du CES prône la récupération de la TVA par les maîtres d’ouvrage publics pour éviter que les crédits ne soient amputés par l’État de 19,6 % comme cela est le cas aujourd’hui. Il propose aussi d’adapter les avantages fiscaux dont bénéficient les trésors nationaux au patrimoine monumental. Tous les trois ans, une liste de cent « monuments historiques d’intérêt national majeur » pourrait ainsi en bénéficier. Le texte clarifie, enfin, la situation des Architectes en chef des Monuments historiques (ACMH) en appelant à une augmentation de leur nombre d’au moins 50 %. Pour éviter d’être à la fois juge et partie, les ACMH ne pourraient plus cumuler leur fonction d’architectes avec celle d’Inspecteur des monuments historiques, comme c’est le cas pour une dizaine d’entre eux. Leurs chantiers pourraient être ouverts à d’autres architectes du secteur privé et les établissements publics seraient, à l’instar des propriétaires privés, libres de choisir leur architecte. Le jour même de sa présentation, le ministère de la Culture a déclaré avoir accueilli l’ensemble de ces préconisations avec « un grand intérêt ». Espérons que de telles propositions soient suivies d’effets, surtout en ce qui concerne la délicate question des crédits, à l’heure où le budget de la Culture est en baisse.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°290 du 31 octobre 2008, avec le titre suivant : La main aux régions

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