La FIAC, parisienne et européenne

Par Roxana Azimi · Le Journal des Arts

Le 15 octobre 2008 - 1013 mots

La FIAC a rallié cette année de grosses pointures américaines en quête d’une nouvelle audience européenne. La foire s’internationalise et se bonifie.

Vernissage de la Fiac22.10.08 - %26copy; L.S

Voilà encore quatre ans, certains ne donnaient pas cher de la peau de la Foire internationale d’art contemporain (FIAC). Quiconque aurait prédit que de grosses pointures américaines allaient reprendre le chemin du salon parisien se serait vu infliger des sourires narquois et incrédules. Et pourtant, défiant les prévisions, la FIAC s’est bonifiée, mieux, magnifiée, grâce au Grand Palais, et a attiré dans sa mue les éléphants du marché. Il faut toutefois plus que le charme de la capitale pour expliquer le retour des New-Yorkais David Zwirner et Luhring Augustine, ou l’arrivée de leurs confrères 303 Gallery, Sperone Westwater (New York), White Cube (Londres) ou Donald Young (Chicago). Les marchands américains voient dans la clientèle européenne une soupape pour pallier la désertion de leurs acheteurs traditionnels. « Nous sommes inquiets à New York. Les gens sont plus prudents. Ce qui affecte nos clients américains nous touche aussi, admet Natalia Mager Sacasa, directrice de la galerie Luhring Augustine. À Bâle en juin dernier, nous avons eu une majorité de clients européens. » Lisa Spellman, directrice de 303 Gallery, affiche pour sa part une clientèle à 30 % européenne. « La différence euro-dollar est profitable pour vendre en Europe, explique David Zwirner. En un an, mon business européen a progressé de 20 % à 30 %. Traditionnellement, les Américains achetaient à des niveaux de prix plus élevés que les Européens, mais les choses se sont récemment inversées. » Et d’ajouter : « Nous avons peut-être eu la chance des débutants à la FIAC, mais nous avons vendu beaucoup de choses aux collectionneurs français, et même certaines choses autour de 500 000 dollars [354 877 euros]. » Celui-ci flattera le public français avec des œuvres de Yan Pei-Ming et Adel Abdessemed.

Le choix de la monographie
Si le Grand Palais joue sur du velours, la Cour carrée doit encore trouver ses marques. Plutôt décevante en 2007, elle renouvelle cette fois un tiers de ses exposants. Une décision d’autant plus salutaire que certains visiteurs tendent à considérer cet espace comme une foire off. « Cela aurait été une foire off si l’on avait dressé une tente dans le style forain à côté du Grand Palais ; là on aurait pu parler de centre et de banlieue, objecte Martin Bethenod, commissaire général du salon. Dans notre schéma, nous avons voulu construire sur deux lieux porteurs d’identité forte. »
Cette année, un grand nombre d’exposants de la foire ont opté pour des expositions personnelles, choix appréciable dans le contexte actuel de zapping. Luhring Augustine prévoit un solo show de Christopher Wool, tandis que 303 valorise Karen Kilimnik. Donald Young fait la part belle aux peintures de Rodney Graham, pendant que White Cube offre ses murs aux « bad boys » de la scène britannique, Jake & Dinos Chapman. L’exposition monographique vaut aussi pour les plus jeunes, avec Emmanuel Saulnier chez Art Attitude Hervé Bize (Nancy), ou, dans la section plus moderne, Atlan chez Applicat-Prazan (Paris), Maria Helena Vieira da Silva chez Jeanne-Bucher (Paris) et Étienne Martin chez Marwan Hoss (Paris). Michel Rein (Paris) s’adonne pour sa part à des one-man shows quotidiens tandis qu’Éric Dupont (Paris) se concentre sur un vis-à-vis entre Yazid Oulab et Regina Virserius. Marc Quinn soutient la comparaison avec des maîtres modernes chez Hopkins-Custot, pendant que Natalie Seroussi (Paris) envisage un dialogue entre Alexander Calder et Martial Raysse. Les enseignes de design, qui occupaient préalablement les alvéoles, cèdent leur place aux galeries d’art et se trouvent propulsées sur les hauteur en mezzanine. Last but not least, la qualité des projets extérieurs présentés dans les jardins des Tuileries (lire
p. 20) grimpe de plusieurs échelons. Les cabanes de Tadashi Kawamata, le pavillon de Dan Graham ou la serre de Mark Dion n’auront certainement rien à envier à la section « Art Unlimited » de Bâle !

61 % d’exposants internationaux
Les petites ou grandes améliorations n’excluent pas certaines crispations, notamment de la part des galeries françaises qui voient leurs stands rognés au profit des marchands plus puissants. « Les galeries considèrent qu’il n’y a que seize stands de qualité, que seule une allée compte !, s’agace Martin Bethenod. Cela voudrait dire que les deux tiers de la foire seraient périphériques, ce qui n’est pas le cas. » L’édition connaît comme toujours son lot de dommages collatéraux. Cette année, le couperet a frappé les Parisiens Anne Lahumière, Trigano et Polaris ainsi que Catherine Issert (Saint-Paul de Vence, lire p. 22). Claude Bernard (Paris) a, lui, préféré déclarer forfait au vu du minuscule espace qui lui avait été imparti. « Je trouve injuste d’avoir été exclu », confie Patrice Trigano après avoir proposé en plan B une exposition Picasso.
« C’est vrai que les galeries françaises ne sont pas spécialistes de la mode, mais vouloir faire une foire qui ressemble à toutes les foires étrangères n’est pas la meilleure façon d’asseoir Paris ! » Ironiquement, après avoir été qualifiée de foire franco-française, la FIAC se voit reprocher de prendre le parti de l’étranger avec 61 % d’exposants internationaux ! Pour calmer le jeu, le salon n’a pas accepté cette année de double représentation des galeries à la Cour carrée et au Grand Palais. L’exploitation, dans les trois années à venir, de nouveaux espaces situés au Grand Palais représentant une surface d’environ 3 000 m2, pourrait-elle donner de l’espoir aux refusés ? « Le but n’est pas une FIAC à 350 galeries, indique Jennifer Flay, directrice artistique du salon. On veut plutôt satisfaire davantage le désir de nos exposants, pouvoir leur donner 60 m2 quand ils n’en ont que 40 et accueillir une quinzaine de nouvelles galeries. » Bref, ne pas avoir les yeux plus gros que ce que le marché français peut digérer.

FIAC

- Commissaire général : Martin Bethenod
- Directrice artistique : Jennifer Flay
- Nombre d’exposants : 189
- Tarif du stand au mètre carré : 420 euros au Grand Palais et 310 euros à la Cour carrée
- Nombre de visiteurs en 2007 : 72 000

FIAC

23-26 octobre, Grand Palais, av. Winston Churchill, 75008 Paris, et Cour carrée du Louvre, rue de Rivoli, 75001 Paris, www.fiac.com, tous les jours, Cour carrée 13h-21h, Grand Palais 12h-20h.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°289 du 17 octobre 2008, avec le titre suivant : La FIAC, parisienne et européenne

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