Polémique

L’Inrap ne veut pas quitter Paris

Par Daphné Bétard · Le Journal des Arts

Le 1 octobre 2008 - 730 mots

Dans le cadre de la refonte de la carte militaire, la Rue de Valois a proposé la délocalisation du siège de l’institut.

Une équipe de l'INRAPdans le 15e arrdt. à Paris© INRAP

PARIS - Ils étaient nombreux à manifester devant le ministère de la Culture, le 26 septembre, jour de présentation du budget (lire p. 3) : les archéologues de l’Institut national de recherches archéologiques préventives (Inrap) sont à nouveau en colère et entendent le faire savoir. La veille, le 25 septembre, ils étaient 76 % de grévistes au siège de l’institut, rue de Madrid, dans le 8e arrondissement parisien. Ils sont mobilisés depuis qu’ils ont appris que la Rue de Valois avait proposé l’Inrap comme seul candidat potentiel à la délocalisation, mesure imposée au personnel de chaque ministère dans le cadre de la refonte de la carte militaire. Souhaitée pour 2010, la nouvelle implantation se ferait au profit d’une ville de l’Est de la France, région la plus touchée par la réforme du ministère de la Défense. L’affaire remonte à la fin du mois de juillet lorsque Christine Albanel, qui doit délester Paris de cent cinquante de ses agents, décide de proposer à l’Élysée le siège de l’Inrap. Celui-ci, compte cent trente agents ; pour la Rue de Valois, l’équation est donc simple. Mais concrètement, comme le souligne le personnel de l’Inrap, le transfert pose de sérieux problèmes d’organisation. D’abord, parce que l’Inrap est un institut jeune qui n’a cessé de faire l’objet de rapports et modifications législatives depuis sa création en 2001. Un éloignement des tutelles (la Culture et la Recherche), des centres universitaires ou de recherche (type CNRS) avec lesquels il cherche à multiplier les échanges seraient donc paralysant. Sans oublier les réseaux avec l’international que l’Inrap souhaite aussi développer. Autre problème, d’ordre social cette fois, « les agents qualifiés de l’Inrap, tous spécialisés dans des domaines très pointus, vont avoir du mal à quitter Paris », explique l’un d’eux. Mais surtout, l’Inrap est déjà très délocalisée avec des archéologues travaillant sur quelque 2 300 chantiers annuels en France métropolitaine et dans les DOM. Il dispose aussi de directions interrégionales réparties sur tout le territoire. Sur les quelque 1 953 agents (équivalent temps plein) employés par l’institut, 95 % travaillent donc déjà hors de Paris ou sa banlieue ! On peut s’interroger également sur le fait qu’aucune étude sur le sujet n’ait été menée pas plus qu’une concertation avec les principaux intéressés.

Arguments fumeux
À la Rue de Valois, on se refuse à tout commentaire. Reçues, à leur demande, par le ministère de la Culture, les organisations syndicales ont été pour le moins surprises par les arguments avancés : « On nous a simplement expliqué pourquoi c’était impossible de délocaliser la RMN, le CNC et les autres… Donc, par déduction, cela ne pouvait être que nous ! », explique un membre de la CGT-Culture. « Par un petit tour de passe-passe, Christine Albanel devait proposer notre transfert à l’Élysée et, en retour, l’annoncer en expliquant qu’elle n’avait pas le choix, que cela venait d’en haut », ajoute un fonctionnaire. Cette mesure isolant l’Inrap et menaçant son organisation même est-elle un signe en direction d’élus encore mécontents des fouilles préventives ? S’agit-il d’une pression de Bercy ? D’un règlement de compte interne (les rapports tumultueux entre la Direction de l’architecture et du patrimoine (DAPA) et l’Inrap sont légendaires) ? Au cabinet de la ministre, on estime « paranoïaque » toute interrogation sur les raisons d’un tel choix. Et pourtant… Quelle autre institution que l’Inrap aurait pu rester plusieurs mois sans président à sa tête dans l’indifférence générale ? « Depuis son arrivée Rue de Valois, Christine Albanel n’a jamais fait un geste en direction de l’Inrap et l’intervention publique tant espérée, lui témoignant de son soutien, n’est jamais venue », déplore un archéologue. D’un commun accord, l’ensemble des agents du siège, y compris les cadres-dirigeants (excepté Nicole Pot et Jean-Paul Jacob, respectivement directrice et président de l’Inrap, tenus à leur devoir de réserve) ont signé une pétition pour dénoncer la manœuvre et souligner l’importance de conserver le siège à Paris. La prochaine journée de mobilisation est fixée au 9 octobre. En attendant, les archéologues en région ont lancé des appels aux DRAC. « Il faut agir vite, frapper fort et de manière spectaculaire », promet l’un d’eux. Comme ils l’ont déjà prouvé par le passé, ils sont prêts à aller loin.

Une pétition est en ligne : http://lapetition.com/sign1.cfm?numero=1911

Site Internet : INRAP

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°288 du 3 octobre 2008, avec le titre suivant : L’Inrap ne veut pas quitter Paris

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