Musée - Nomination

Nomination

Campbell ne fait pas tapisserie

Par Jason Edward Kaufman · Le Journal des Arts

Le 30 septembre 2008 - 1197 mots

NEW YORK / ETATS-UNIS

Le conservateur d’origine britannique a été désigné pour succéder à Philippe de Montebello au poste de directeur général du Metropolitan Museum of Art de New York.

New York - Le Metropolitan Museum of Art (Met) de New York a choisi Thomas Campbell, conservateur d’origine britannique spécialiste des tapisseries européennes au Met, pour succéder à Philippe de Montebello comme directeur général. Il entrera en fonction le 1er janvier quand Philippe de Montebello quittera son poste, à 72 ans, après 31 années de direction.
Thomas Campbell, âgé de 46 ans, est conservateur au département de la sculpture et des arts décoratifs européens depuis 1995. Peu connu du public, il a organisé deux expositions temporaires unanimement saluées, « Tapestry in the Renaissance : Art and Magnificence » [Tapisserie de la Renaissance : art et magnificence] (2002) et « Tapestry in the Baroque : Threads of Splendor » [Tapisserie baroque : fils de la splendeur] (au Met en 2007 puis  au Palacio Real à Madrid au printemps en 2008). L’une et l’autre ont montré de façon convaincante que la tapisserie est un domaine des beaux-arts en attente de reconnaissance.
James Houghton, le président du Metropolitan, décrit Thomas Campbell comme « un ardent défenseur de la recherche, de l’expertise et des normes muséales les plus exigeantes, en même temps [qu’]un solide gestionnaire et un diplomate rompu à la préparation des grandes expositions sous tous leurs aspects. » Ce choix d’un historien de l’art marque la volonté du Met de renforcer sa réputation de rempart contre la réduction des missions scientifique et éducative des musées.
L’expérience administrative du nouveau directeur s’est limitée à la supervision du Antonio Ratti Textile Centre [au Met] qui conserve les 36 000 œuvres textiles du musée. Il va maintenant diriger le plus grand musée du continent américain, fort de deux millions de numéros, de dix-sept départements, de plus de deux mille collaborateurs. Il va gérer également un budget annuel de fonctionnement dépassant les 200 millions de dollars, qui exige sans cesse d’énormes appels de fonds. Avec 4,6 millions de visiteurs l’an dernier, le musée est la première attraction touristique de la ville de New York.

Une éducation complète
Né à Cambridge (Grande-Bretagne), Thomas Campbell a étudié la littérature anglaise à l’université d’Oxford, suivi les cours de beaux-arts et d’Arts décoratifs de Christie’s et obtenu en 1987 un master au Courtauld Institute of Art où son intérêt s’est tourné vers la tapisserie. Il a fondé la même année la London’s Franses Tapestry Archive, devenue en 1994 le plus grand centre de documentation sur la tapisserie et les tissus historiés européens.
Une fois entré au Met, il a obtenu un doctorat au Courtauld Institute, sur les tapisseries et la culture à la cour du roi Henry VIII, sujet du livre de référence qu’il a publié l’an dernier aux Presses de la Yale University.
Thomas Campbell l’aurait emporté sur deux autres candidats issus du sérail, Gary Tinterow, âgé de 54 ans, conservateur pour l’art du XIXe siècle, moderne et contemporain, qui a relancé l’art contemporain au Met et réinstallé la collection permanente de peinture postérieure à 1800 ; et Ian Wardropper, 57 ans, patron de Thomas Campbell comme directeur de la sculpture et des Arts décoratifs européens, qui a récemment remanié les period rooms Wrightsman. Philippe de Montebello, qui a siégé au comité de sélection, souligne qu’en plus d’un siècle le Met n’a eu que deux directeurs qui n’avaient pas été auparavant conservateurs de ce musée.

Nous avons demandé à des personnalités du monde de l’art de réagir à la nomination de Thomas Campbell et du défi qui l’attend

Eugene Thaw, marchand à la retraite, collectionneur et philanthrope(un des principaux donateurs du Metropolitan)
Je suis très heureux que le Met ait choisi un expert en art plutôt qu’un administrateur. Le Met est une institution qui a su réellement maintenir un bon fonctionnement de musée sans se transformer en galerie marchande ou en Disneyland. On a tellement écrit... que le Met n’était pas à la hauteur pour l’art contemporain. Eh bien si, il l’est réellement... Ils ont des pièces merveilleuses et ils ne sauraient se prêter au jeu de Damien Hirst. Le défi [de Thomas Campbell] sera d’insister sur le sérieux de l’art mondial, sans succomber aux tourbillons de la mode.

Malcolm MacKay, directeur au sein du cabinet de recrutement Russell Reynolds Associates (ancien administrateur du Met)
Mon sentiment est que lorsque l’on dispose d’une institution très solide, dotée d’une équipe dirigeante forte, on peut prendre le risque d’avoir à son sommet quelqu’un qui n’a pas une grande expérience administrative... Le plus grand défi est de définir le rôle du Met dans un monde de l’art comptant de nombreux modèles concurrents. Un exemple où l’on a à affronter ce cas de figure est celui de l’art contemporain. Si l’on veut établir des rapports avec de jeunes collectionneurs fortunés, il faut mettre en valeur l’art contemporain parce que c’est cette forme d’art qu’acquièrent les jeunes collectionneurs aisés.

Chuck Close, artiste(dont le Metropolitan a acquis et exposé des œuvres)
Pour moi, c’est intéressant parce que je fais des tapisseries, j’ai particulièrement aimé sa première exposition de tapisserie, et j’aimerais parler avec lui de tapisserie un jour ou l’autre. Je ne sais pas quelles seront ses relations avec l’art moderne et contemporain et les artistes d’aujourd’hui. Il aurait été intéressant que le poste aille à Gary Tinterow, parce qu’alors j’aurais connu plus précisément ses intentions. Mais je ne critique absolument pas sa nomination pour la seule raison qu’il n’est pas quelqu’un qui s’occupe d’art moderne et contemporain… Gary assure qu’il se réjouit de travailler avec lui, donc je présume qu’il respectera l’expertise des spécialistes d’autres domaines que les siens.

Arnold Lehman, directeur du Brooklyn Museum
Qu’il soit recruté au milieu de la quarantaine nous amène tous à lui souhaiter une longue et heureuse carrière de directeur. La situation économique est certainement l’un des plus grands défis, surtout quand on dirige une institution avec un budget considérable financé en grande partie par des dons et un endowment tributaire des fluctuations du marché boursier. Une large proportion de l’équipe de conservation du Met est âgée et proche de la retraite, ce qui implique aussi le défi de trouver des professionnels de haut niveau pour les remplacer.

Michael Conforti, directeur du Clark Art Institute et président de l’Association of Art Museum Directors
J’ai été ravi de voir un conservateur, doté d’une imagination remarquable et d’une grande intelligence, choisi pour devenir le prochain directeur du Met. Mon sentiment est qu’avec une bonne équipe, une personne issue de la conservation avec des dons de leader, appréciée et respectée de ses collègues et patrons, est le meilleur recrutement possible pour une institution comme le Met.

Robert Dance, président de la Private Art Dealers Association
Pour autant que je puisse dire, c’est un recrutement superbe. Le Met entend clairement continuer dans la même voie, et a donc choisi sans surprise quelqu’un qui pourrait s’avérer un nouveau Philippe de Montebello. Je n’ai jamais rencontré Thomas Campbell, mais j’ai souvent visité ses expositions, et tout ce que j’en dis, alors comme aujourd’hui, c’est « Whow ! ». Ainsi, au moins au Met, et pour le moment, c’est l’art véritable qui continue d’être la priorité.

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°288 du 3 octobre 2008, avec le titre suivant : Campbell ne fait pas tapisserie

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