Les auctioneers se développent au détriment des marchands anglais

Le Journal des Arts

Le 28 août 1998 - 770 mots

Une étude réalisée en Grande-Bretagne par la Chambre Internationale de Commerce montre qu’en développant activement leur volume d’affaires, les auctioneers s’enrichissent aux dépens des marchands, dont ils cassent les marges bénéficiaires.

LONDRES (de notre correspondante) - Les dernières analyses du marché de l’art récemment publiées par la Chambre Internationale de Commerce montrent que les maisons de vente se développent au détriment des marchands. En 1996-97, le marché de l’art s’est accru en moyenne de 28 % pour les marchands et de 36 % pour les maisons de vente. Ces dernières ont vu leurs bénéfices avant impôt progresser de 126 %, alors que ceux des marchands ont baissé de 9,3 %.

L’étude confirme en outre qu’en démarchant activement les clients privés, les auctioneers ont à la fois empiété sur le terrain des marchands et érodé leurs marges bénéficiaires traditionnelles : ces derniers sont contraints d’acheter à des prix plus élevés sans pouvoir reporter cette augmentation sur leur prix de vente final. L’actif net des maisons de vente s’est accru de 24 % entre 1994 et 1997, contre 4 % pour les marchands. Les effectifs ont augmenté de 13 % chez les auctioneers alors qu’ils sont restés stables chez leurs concurrents – qui versent par ailleurs des salaires plus élevés pour tenter de débaucher les employés des maisons de vente.

Les dix marchands les plus importants en termes de chiffre d’affaires sont demeurés les mêmes depuis 1995-96. Richard Green conserve la première place. En dépit d’un volume d’affaires d’environ cent millions de livres sterling (1 milliard de francs) l’année dernière, Simon Dickinson n’a enregistré que 4,17 millions de livres de ventes (environ 42 millions de francs). En effet, contrairement à Richard Green qui achète pour revendre, Dickinson travaille essentiellement à la commission. On note la présence de deux nouveaux venus parmi les dix premiers : Alex Reid et Lefevre, dont les ventes ont grimpé de façon spectaculaire de 5,345 millions de livres en 1995-96 à 13,782 millions en 1996-97, et l’antiquaire Robin Symes, dont le chiffre d’affaires est passé de 6,09 millions de livres en 1995-96, à 14,54 millions en 1996-97.

Une croissance mal partagée jusqu’en l’an 2000
Le commerce des antiquités, exception faite de Christie’s et d’Oatshare (la branche britannique de Sotheby’s), est un secteur dans lequel chiffre d’affaires et rentabilité ne sont pas nécessairement liés. Ces maisons ont l’une et l’autre enregistré une augmentation spectaculaire de leur rentabilité par rapport à l’année précédente, confirmant ainsi l’analyse selon laquelle les auctioneers prospèrent davantage que les marchands. Précisons néanmoins que l’un d’entre eux s’est illustré sur les deux tableaux – chiffre d’affaires et rentabilité –, le marchand S.J. Phillips, spécialiste de l’argenterie et des bijoux. Les maisons les plus rentables sont celles qui réalisent un chiffre d’affaires relativement bas avec, en contrepartie, de faibles frais généraux et des effectifs réduits. En témoignent a contrario Agnew et Waddington, deux des plus prestigieux marchands londoniens installés dans de vastes galeries du West End, qui se classent parmi les moins performants. Agnew a réalisé une perte avant impôt de 1,74 million de livres, et Waddington de 5,02 millions.

Par ailleurs, dans un métier où les résultats dépendent pour beaucoup des contacts personnels, le ratio de ventes par salarié est un indicateur essentiel. L’entreprise familiale de Richard Green possède l’un des plus élevés, avec des ventes d’environ 31 millions de livres pour seulement vingt-cinq employés. Sur ce marché fluctuant où tout change énormément d’année en année et dans lequel une seule vente importante peut peser de manière considérable sur la rentabilité, les marchands ne peuvent s’appuyer une fois pour toutes sur une formule établie, mais doivent anticiper les revirements et les évolutions de la clientèle.

L’étude prévoit une croissance du marché de l’art au moins jusqu’en l’an 2000, ainsi qu’une augmentation des bénéfices réalisés par les maisons de vente, alors que les résultats enregistrés par les marchands devraient se montrer plus fragiles.

“Il est assez probable, estiment les rapporteurs, que Londres perde sa prééminence au cours des cinq prochaines années. Sa part sur le marché mondial de l’art a déjà baissé, passant de 60 à 50 % en l’espace de cinq ans”. Ce phénomène s’explique notamment par l’introduction d’une TVA de 2,5 % à l’importation, qui s’est traduite par une baisse de 40 % des importations d’objets d’art au Royaume-Uni depuis 1995.

Cette analyse étaye les nombreuses protestations qui se sont élevées contre le projet de faire passer à 5 % le taux de la TVA, et contre l’introduction du droit de suite en Grande-Bretagne, souhaitée par la Communauté afin de se conformer à la réglementation en vigueur dans d’autres états de l’Union européenne, comme la France.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°65 du 28 août 1998, avec le titre suivant : Les auctioneers se développent au détriment des marchands anglais

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