Sous le pinceau de Titien

Trois tableaux du Prado sont en restauration

Le Journal des Arts

Le 28 août 1998 - 513 mots

Effigies de souverains espagnols peintes par un maître italien, les portraits de Charles Quint et de Philippe II par Titien conservés au Musée du Prado seront restaurés, de même que La Gloire, grâce au mécénat du groupe Fiat.

MADRID - Les célébrations de Charles Quint et Philippe II seront marquées par la restauration de leurs plus célèbres portraits, exécutés vers le milieu du XVIe siècle par Titien. Sur les 35 œuvres du peintre vénitien conservées au Prado, l’intervention concerne le Portrait de Philippe II et Charles Quint à cheval, ainsi que La Gloire, qui avait quitté Venise par la mer en 1554 pour la cour de Madrid.
La restauration, dont l’achèvement est prévu d’ici l’an 2000, est financée par Fiat Espagne qui offre l’équivalent de 680 000 francs. Elle souhaite par ce geste contribuer autant aux célébrations des deux souverains espagnols qu’à la conservation du patrimoine artistique italien.

Des trois œuvres, Charles Quint à cheval est celle dont l’état de conservation paraît le plus préoccupant. La radiographie a en effet révélé, outre les inévitables couches de saleté et de vernis, des déchirures de la toile d’origine, l’ajout de morceaux de toile le long des bords, des pertes de couleurs et des repeints. Ces problèmes s’ajoutent à la trace d’un incident qui s’était produit à peine le portrait achevé. Alors que le tableau séchait en plein air, une rafale de vent l’avait projeté contre un piquet, provoquant, à hauteur de la croupe du cheval, un accroc restauré par Titien lui-même et son assistant Amberger. C’était en septembre 1548, à Augusta, et cinq mois s’étaient écoulés depuis que le peintre avait commencé ce portrait commémorant la bataille de Mühlberg, au cours de laquelle les protestants ont été défaits.

La Gloire est en meilleur état, mais une trop forte chaleur a provoqué des craquelures, et de grosses taches de vernis oxydé empêchent une lecture uniforme du tableau. L’œuvre avait été commandée à Titien par Charles Quint, qui souhaitait une réinterprétation de la Gloire de la Trinité de Dürer, alors à Madrid et aujourd’hui à Vienne. Le souverain, représenté en haut à droite avec l’impératrice Isabelle, Philippe II et la reine Marie de Hongrie, l’avait emportée avec lui jusque dans son ultime retraite, au couvent de Yuste.

Le mieux conservé des trois Titien était certainement le Portrait de Philippe II, déjà restauré pour la grande exposition qui se tient au palais de l’Escurial. Une déchirure de la toile apparue sur les radiographies a été réparée avec soin. De plus, les chutes de matière n’étaient ni importantes ni localisées dans les parties essentielles du tableau. Ce portrait avait été expédié à Marie Tudor pour qu’elle connaisse l’époux qui lui était promis avant son mariage, célébré en Angleterre en 1554. En réalité, Philippe II n’était pas satisfait de l’œuvre de Titien, exécutée rapidement durant son deuxième séjour à Augusta, dans les premiers mois de 1551. Dans une lettre à Marie de Hongrie, à qui le portrait avait été envoyé en mai de la même année, le roi écrit que s’il avait eu plus de temps, il l’aurait fait refaire.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°65 du 28 août 1998, avec le titre suivant : Sous le pinceau de Titien

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