Il faut cultiver son jardin

Deux points de vue sur la nature à Paris

Par Philippe Régnier · Le Journal des Arts

Le 28 août 1998 - 548 mots

PARIS

L’été à Paris est l’occasion de reprendre contact avec la nature. Tel semble être en tous cas le sens de l’invitation que nous lancent deux expositions organisées à la Fondation Cartier pour l’art contemporain et au Musée Zadkine.

PARIS. Les différents espaces du Musée Zadkine s’ouvrent sur un jardin central où la nature – les arbres en particulier – tient une place prépondérante. Ossip Zadkine s’en est d’ailleurs inspiré, notamment pour ses bois taillés, jouant sur l’anthropomorphisme des arbres. Pour lui, “le sculpteur est un ordonnateur. Il anime les formes et leur conserve le parfum enivrant de la forêt”.  Autour des pièces de l’ancien maître des lieux, l’exposition réunit des œuvres d’une quarantaine d’artistes, principalement contemporains, qui font toutes intervenir, à un niveau ou à un autre, un arbre. Ainsi, Étude inachevée avec lune, une toile de Piet Mondrian datée de 1906-1907, côtoie des frottages de Max Ernst ou une aquarelle de Thomas Schütte. Un bonsaï portant une boîte de cassette vidéo (Fabrice Hybert, Ration, 1998) répond à Bo Boolo C, une console signée Philippe Starck qui intègre une branche de bouleau. Les artistes du Land Art (Richard Long...), de l’Arte povera (Giuseppe Penone...), n’ont pas été oubliés, certaines pièces in situ étant même, dans un souci encyclopédique, montrées à travers un diaporama. D’autres œuvres ont  été spécialement réalisées pour l’occasion, à l’image de Piercing, un anneau métallique planté par Philippe Ramette dans la branche d’un arbre, à l’entrée du jardin.

Un bonheur esthétique
Loin de cette exposition quelque peu scolaire, celle plus éclectique de la Fondation Cartier célèbre l’esthétisme d’une nature vue à travers le prisme de l’artiste. Le texte du catalogue signé par Jacques Kerchache, qui présente ici Nature Démiurge, une collection d’insectes tout à fait extraordinaire, est révélateur de cet état esprit : “Je regarde un insecte comme l’œuvre d’un artiste à part entière, porteur d’une identité qui lui est propre. [...] Et lorsque l’œil se pose sur le chef-d’œuvre, au bonheur esthétique se mêle une sensation étrange, comme si quelque chose nous échappait, nous transcendait”. Le Japonais Yukio Nakagawa, âgé de quatre-vingts ans, est davantage séduit par les fleurs. Résultats de sa conception personnelle de l’ikebana, ses grandes photographies – présentées pour la première fois hors du Japon – immortalisent ses compositions, telle Discovery (1976) qui a rassemblé cinq mille tulipes. Plus loin, Hubert Duprat a quelque peu aidé la nature pour que des larves aquatiques de trichoptères s’habillent de lumière, tandis que le Californien Tim Hawkinson recrée, à partir de son propre corps (ongles, cheveux...), des éléments naturels comme un squelette d’oiseau ou une coquille d’œuf. Ailleurs, David Hammons, Wolfgang Laib ou Thomas Demand lient encore nature et culture, jusqu’à Ana Mendiata qui assure, dans un texte inédit de 1981, fusionner “avec la terre, le sol... Je deviens le prolongement de la nature et la nature devient le prolongement de mon corps”.

- ÊTRE NATURE, jusqu’au 20 septembre, Fondation Cartier pour l’art contemporain, 261 boulevard Raspail, 75014 Paris, tél. 01 42 18 56 51, Internet : www.fondation.cartier.fr, tlj sauf lundi 12h-20h. Catalogue coédité avec Actes Sud, 184 p., 250 F. - JARDIN D’ARTISTE : DE MÉMOIRE D’ARBRE, jusqu’au 11 octobre, Musée Zadkine, 100 bis rue d’Assas, 75006 Paris, tél. 01 43 26 91 90, tlj sauf lundi, 10h-17h30, catalogue, 54 p., 60 F.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°65 du 28 août 1998, avec le titre suivant : Il faut cultiver son jardin

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