Une modernité prudente

Caen tente de cerner l’esprit macchiaioli

Le Journal des Arts

Le 11 septembre 1998 - 463 mots

Le Musée des beaux-arts de Caen accueille dans son intégralité la collection Grieco de la Pinacothèque de Bari. Constitué de 50 tableaux figuratifs, de la seconde moitié du XIXe siècle aux années cinquante, ce fonds illustre certains versants de la modernité italienne, du tachisme des Macchiaioli à quelques personnalités marquantes du XXe siècle, comme Chirico, Sironi ou Morandi.

CAEN - Avec 40 toiles tachistes, la collection Grieco offre un aperçu extrêmement complet du mouvement macchiaioli qui se développe en Toscane entre 1855 et 1875. Héritier de l’École de Barbizon, ce courant qui cherchait à “rendre au moyen de taches de couleurs les impressions reçues de la réalité” est évidemment proche de l’Impressionnisme français. Cependant, à l’inverse de leurs cousins transalpins, les chefs de file macchiaioli – Fattori, Lega et Signorini – n’iront jamais jusqu’à la dissolution du sujet et au primat de la technique sur l’image. Au contraire, ils affirment dans chaque toile leur attachement au motif et à la leçon des maîtres, s’inspirant du traitement de l’espace de Piero della Francesca et de Masaccio, reprenant le format allongé des prédelles, allant même jusqu’à imiter les craquelures de la peinture.

Plusieurs petits joyaux de la main de Fattori, Lega, Signorini, Raffaello Sernesi, Serafino de Tivoli, Giuseppe Abbati, Cristiano Banti et Boldini illustrent cette démarche originale.

L’autre modernité
Cette fidélité à la figuration et à la tradition forme le nœud idéologique et artistique de la collection Grieco. Au lendemain du Risorgimento et jusqu’à l’après-guerre, les artistes italiens se trouvent confrontés à un dilemme que l’historien d’art Giovanni Lista résume ainsi dans le catalogue : “s’ouvrir à une modernité sans mémoire ou témoigner de la vérité intemporelle d’un monde où intimisme et sentiment de la nature sont modelés par une présence très forte du passé.” Face à la “ligne révolutionnaire des avant-gardes” cosmopolites et ouvertes au monde industriel, une seconde voie, qui plonge ses racines dans l’histoire même du pays, serait représentée par les Macchiaioli toscans, les recherches de la Scapigliatura lombarde sur un sfumato lumineux dissolvant les formes, le néoclassicisme du Novecento, les vedute de Filippo de Pisis, ou encore les perspectives urbaines de Giorgio de Chirico.

Les œuvres réunies par l’ingénieur Grieco explorent cette démarche alternative, tout en évitant certains de ses excès, stylistiques ou politiques. Ainsi, de Boldini, Grieco ne retient qu’une œuvre tachiste, ignorant le peintre mondain qui devait ensuite faire partie des Italiens de Paris, et du Novecento, très lié au régime fasciste, il ne conserve qu’un intemporel Paysage de montagne de Sironi et de primitives Femmes au bord de la mer par Massimo Campigli.

DE FATTORI À MORANDI, MACCHIAIOLI ET MODERNES

Jusqu’au 27 septembre, Musée des beaux-arts, le Château, Caen, tél. 02 31 85 28 63, tlj sauf mardi et jours fériés 10h-18h. Catalogue 108 p., 47 ill. couleurs, 140 F.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°66 du 11 septembre 1998, avec le titre suivant : Une modernité prudente

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