L’Europe aux Caraïbes

Les très riches collections du musée de Ponce

Le Journal des Arts

Le 25 septembre 1998 - 633 mots

Les Caraïbes ne sont guère associées à la peinture ancienne. Il existe pourtant, sur l’île de Porto Rico, le plus beau musée de peinture européenne au sud de Washington, stupéfiant par la richesse de ses collections. Trop peu connu des touristes comme des spécialistes, il fête cette année ses quarante ans d’existence et construit une extension pour présenter des expositions temporaires.

SAN JUAN DE PORTO RICO - En 1957, l’industriel Luis A. Ferré acquiert ses premières œuvres d’art – 24 peintures anciennes – lors d’une vente aux enchères de la Savoy Gallery, à New York. Après ces débuts impromptus, mûrit en lui l’idée de créer de ses propres deniers un musée pour sa ville natale de Ponce, sur l’île de Porto Rico. Bien que conscient de l’existence d’une école de peinture locale et de la valeur du folklore caraïbe, il ressent profondément l’absence de la tradition européenne et se propose de présenter les principales écoles du Vieux Monde, depuis le Moyen Âge tardif.

À l’exception de l’achat initial, la collection – qui rassemble aujourd’hui 3 000 œuvres – a été constituée pièce par pièce. Elle comprend 600 tableaux européens, 200 latino-américains et une centaine de sculptures de styles divers. Devenue fondation en 1967, elle a été transférée dans son bâtiment actuel, œuvre de l’architecte américain Edward Durrell Stone. Ce palais spacieux, articulé sur deux plans en salles carrées et octogonales, sert idéalement les œuvres exposées.

Si les Préraphaélites anglais constituent le fleuron du musée – avec le grand Sommeil du roi Arthur en Avalon de Burnes-Jones et Flaming June de Lord Leighton, acquis à Londres en 1963 pour une somme tellement dérisoire qu’elle paraît incroyable aujourd’hui –, chaque pays est néanmoins représenté de manière aussi équilibrée que possible. La peinture italienne, qui occupe quatre salles, est la plus richement dotée. Mis à part quelques panneaux à fond d’or provenant de la collection Kress, le musée offre une sélection exceptionnelle de peintures des XVIIe et XVIIIe siècles : parmi les plus remarquables, des œuvres de Strozzi, deux tableaux de Gaulli, quatre de Luca Giordano, un grand Céphale et Procris de Furini, ainsi qu’un magnifique Antiochos et Stratonice de Batoni (1746).

Un nouvel édifice en chantier
L’école espagnole est bien représentée, comme il sied à une ancienne colonie espagnole. L’absence du Greco est presque compensée par l’abondance des œuvres de Machuca, Ribera, Murillo et Zurbarán – son Christ en Croix est la plus récente acquisition de la Fondation. Pour les Flamands, un célèbre Retable de Hendrik de Clerck et une fascinante Tentation de saint Antoine de Teniers. La salle des Hollandais offre à peu près tous les aspects de cette école, de Cornelis van Haarlem aux Caravagistes, avec une belle Vue de Delft de Vosmaer, un Paysage avec des chiens par Weenix l’Ancien et une immense Vanité, chef-d’œuvre de Pieter van Roestraeten.

Pour le XVIIe siècle français, on notera en particulier une marine du Lorrain et un beau Lebrun et, du XIXe siècle, des œuvres de Gérôme, Tissot, Moreau, ainsi qu’une série de neuf toiles de Gustave Doré. Les Anglais sont évoqués par un ensemble de portraits, des œuvres de Benjamin West, de William Frost et, bien sûr, le groupe des Préraphaélites. La peinture allemande est moins complète pour l’instant, mais elle comporte toutefois une sélection d’œuvres de la Renaissance et quelques remarquables Platzer. Une attention particulière est naturellement portée à la peinture portoricaine, avec des œuvres de José Campeche (1751-1809), de Francisco Oller (XIXe siècle) et de l’école contemporaine.

Un nouvel édifice devant accueillir les expositions et les activités éducatives est en chantier. À 94 ans, Don Luis Ferré, toujours président de la Fondation, continue de suivre avec attention le destin de son musée. Gouverneur de Porto Rico de 1968 à 1972, il a également créé à Ponce l’Université pontificale catholique et la Bibliothèque publique.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°67 du 25 septembre 1998, avec le titre suivant : L’Europe aux Caraïbes

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