Dosso Dossi revu et corrigé

Nouveau corpus et nouvelle lecture du peintre ferrarais

Le Journal des Arts

Le 25 septembre 1998 - 670 mots

Première anthologie de l’œuvre de Dosso Dossi, cette exposition devrait faire date. Sur les quelque 80 tableaux que l’on connaît de l’artiste – l’un des plus grands maîtres de la cour de Ferrare au XVIe siècle –, une soixantaine de toiles ont été sélectionnées, parmi les plus représentatives de sa carrière. Événement artistique par son ampleur, cette rétrospective constitue également un tournant dans la recherche, puisqu’elle remet en question le corpus traditionnellement attribué au peintre et propose une nouvelle lecture de son art.

FERRARE - Quatre cents ans après leur naissance, les œuvres de Dosso Dossi reviennent à Ferrare, où toute la carrière du peintre s’est faite au service des ducs d’Este, Alfonso Ier puis Ercole II. “Pour ses protecteurs, indique Mauro Lucco, commissaire de l’exposition, il a surtout peint des sujets profanes, souvent insolites, figurant des allégories difficiles à décrypter. Artiste officiel et représentant d’une culture que l’on peut qualifier “de divertissement”, Dosso a employé son extraordinaire fantaisie psychologique, à la fois narrative et lumineuse, à détourner des thèmes connus ou à en inventer de totalement nouveaux”. Ainsi, ses paysages aux couleurs irréelles, peuplés de personnages aux attitudes inattendues, recréent en images le climat sophistiqué et savoureux des aventures chevaleresques du Roland furieux de l’Arioste également attaché aux d’Este.

L’un des enjeux de l’exposition est donc de replacer cette œuvre énigmatique dans son contexte culturel, montrant que l’ironie, le jeu et la poésie prennent souvent le pas sur une éventuelle signification symbolique. L’autre axe de recherche porte sur le corpus et la carrière de Dosso Dossi, qu’une découverte essentielle, publiée à l’occasion de cette rétrospective, remet entièrement en question.

Dosso et son double
Un acte officiel de la Commune de Ferrare, situant en 1513-1514 l’exécution du polyptyque Constabili, éclaire d’une nouvelle lumière le parcours du peintre. Parce qu’il écarte de manière irréfutable la datation traditionnelle de l’œuvre – entre 1523 et 1530 –, ce document implique un réexamen de toute la période de jeunesse.

Un tableau conservé à Glasgow, la Vierge à l’Enfant en majesté entre saint Joseph, sainte Catherine d’Alexandrie, saint Georges et saint Jean-Baptiste, se trouve ipso facto détrôné du catalogue de Dosso, ainsi qu’une série d’œuvres que Roberto Longhi ou plus récemment Carlo Volpe attribuaient aux débuts de Dosso : la Vierge à l’Enfant de Capodimonte, à Naples, la Vierge à l’Enfant avec des saints des Musées capitolins de Rome, la grande Vierge en majesté au-dessus d’un groupe de saints de l’Archevêché de Ferrare, et la toile du château Saint-Ange, à Rome.

Les tableaux du Capitole et de Capodimonte pourraient être du peintre Sebastiano Filippi. Quant à ceux de Glasgow et du château Saint-Ange, ils sont probablement de deux mains différentes, le second datant sans doute des années 1525-1530. Pour évoquer ce problème d’attribution important, ils seront tous exposés à Ferrare et permettront au public d’exercer son “œil”.

Un autre point litigieux sera d’ailleurs soumis à la sagacité des visiteurs : les portraits. Aucune signature ni aucun document ne viennent en affirmer l’authenticité, et l’attribution ne repose que sur des éléments stylistiques. Cependant, l’étude scientifique de chaque tableau, à l’occasion de la rétrospective, a mis en évidence la technique “à la vénitienne” caractéristique de Dosso. “Celui-ci, explique Mauro Lucco, se met devant la toile sans projet véritablement défini. Il ajoute des personnages, en recouvre d’autres, d’où une matière toujours très épaisse. Lorsque la radiographie révèle de nombreux changements et repentirs, il est permis de pencher vers une paternité dossienne. Si, au contraire, la surface est parfaitement lisse et la matière très fine – ce qui est le cas de presque tous les portraits –, on peut émettre des doutes”. Il existe toutefois un exemple indubitablement de la main de Dosso, mais traité d’une façon inhabituelle, avec une matière très fine. “Reste que, sur la dizaine de portraits attribués jusqu’ici, nous n’en avons retenus que quelques-uns”.

DOSSO DOSSI, LES COULEURS DE L’ARIOSTE

26 septembre-14 décembre, Palais des Diamants, 21 corso Ercole I d’Este, Ferrare, tél. 39 0532 20 99 88, tlj 9h-19h. Catalogue de Peter Humfrey et Mauro Lucco.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°67 du 25 septembre 1998, avec le titre suivant : Dosso Dossi revu et corrigé

Tous les articles dans Expositions

Le Journal des Arts.fr

Inscription newsletter

Recevez quotidiennement l'essentiel de l'actualité de l'art et de son marché.

En kiosque