Cobra en noir et blanc

Le photographe Serge Vandercam \"dénude l’œil\"

Le Journal des Arts

Le 9 octobre 1998 - 423 mots

Le Centre de la photographie de la Communauté française de Belgique présente, aux côtés d’autoportraits de Mapplethorpe et d’œuvres récentes de Sylvie Readman, une rétrospective Serge Vandercam. En réunissant des photographies prises entre 1948 et 1953, Marc Vausort et Georges Vercheval rendent hommage à l’une des figures atypiques de la création contemporaine en Belgique.

CHARLEROI - Entre abstraction et figuration, Cobra explore une voie plus large qui, par l’immersion joyeuse dans la matière, entend renouer avec la simplicité d’un geste quotidien. La photographie vers laquelle se tourne Vandercam, dès 1946, échappe aux débats esthétiques alors en vigueur. Expérience d’autodidacte à laquelle Christian Dotremont donnera un sens, l’œuvre de Vandercam arpente ce que Georges Vercheval appelle “les terrains vagues de la photographie”. La photographie libère le “regard subjectif” en se détournant d’une vue d’ensemble soumise au sens commun. Le détail qui jaillit surprend et impose un travail d’appropriation poétique : les barbelés des plages du Nord en cours de déminage rencontrent les figures solitaires de Giacometti ; un trou témoigne d’une surprise, tandis qu’une série de crochets prennent vie contre la peau d’un mur. Vandercam observe les formes et les matières.

À cette réalité sans cesse réinventée répond l’expérimentation plastique des photogrammes qui construisent un objet complètement nouveau dont la stabilité dévoile l’ordre de la pensée. Cette “photographie subjective”, qu’Otto Steinert exposera en 1951, 1954 et 1958 et dont Vandercam sera un des représentants majeurs, lie l’émergence d’une plastique pure à une vision personnelle du monde. La photographie de Vandercam répond ainsi à l’objectif fixé par Christian Dotremont en préface de l’exposition “Les développements de l’œil. À propos des photographies de Raoul Ubac, Roland d’Ursel et Serge Vandercam”, qui s’était tenue en 1950 à la galerie Saint-Laurent : “La photographie n’a point pour but de garnir les murs, elle a pour mobile de dénuder l’œil”.

Expérimentation existentielle, la photographie telle que la conçoit Vandercam est aussi découverte de l’autre dans une forme d’expérience partagée. Chargé en 1951 de faire le portrait des figures majeures de l’art contemporain en vue d’une publication, Serge Vandercam part à la rencontre de Arp, Ubac, Vasarely, Herbin, de Staël, Poliakoff, sans oublier ses amis Dotremont, Mendelson ou Alechinsky. Chacun apparaît comme un “fait plastique” destiné à construire l’image. Chacun s’y révèle aussi dans la vitesse des lumières et la souplesse des ombres. Chacun s’y dénude face à l’œil dénudé.

SERGE VANDERCAM, PHOTOGRAPHE COBRA

Jusqu’au 22 novembre, Musée de la photographie, 11 avenue Paul Pastur, 6032 Charleroi, tél. 32 71 43 58 10. Monographie de Marc Vausort, 60 p., 490 FB.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°68 du 9 octobre 1998, avec le titre suivant : Cobra en noir et blanc

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