Lotto et Tintoret, de singuliers vénitiens

Le Journal des Arts

Le 9 octobre 1998 - 484 mots

À quatre décennies d’intervalle, Lotto et Le Tintoret ont développé un langage très personnel, en marge de la production vénitienne de leur temps, longtemps écrasée par la figure majeure de Titien. Paris accueille parallèlement ces deux peintres singuliers, en consacrant au premier une rétrospective et en proposant une sélection d’une vingtaine d’œuvres du second, destinée à illustrer sa magistrale “leçon de peinture�?.

PARIS - Deux peintres vénitiens originaux, deux personnalités inquiètes, deux brillants portraitistes… La comparaison s’arrête là entre Lorenzo Lotto, l’instable voyageur à qui sa ville natale ne passera jamais aucune commande officielle, et Le Tintoret, auteur admiré de spectaculaires compositions pour la Procuratie et les Scuole di San Marco et San Rocco.

Né autour de 1480, Lorenzo Lotto mène une carrière itinérante inhabituelle – de Trévise à Rome, des Marches à Bergame –, au cours de laquelle il développe peu à peu un style unique, inspiré tout à la fois des maîtres vénitiens du Quattrocento, des gravures de Dürer, du Florentin Fra Bartolomeo ou d’autres artistes “marginaux” comme Pordenone. Contre la grande manière monumentale de Raphaël, Michel-Ange et Titien, le peintre choisit une expressivité agitée et un ton narratif fourmillant de détails, parfois humoristiques, parfois ésotériques.

À travers 46 tableaux, rassemblés par périodes et séjours successifs, et 26 reproductions rétro-éclairées des stalles en marqueterie de l’église Santa Maria Maggiore à Bergame (pour lesquelles Lotto avait fourni les cartons), le Grand Palais tente de reconstituer le cheminement artistique de ce peintre déroutant.

Le Tintoret jusqu’au vertige
Avec ses compositions grandioses et son activité frénétique, Le Tintoret parvient à se faire reconnaître de ses concitoyens dès l’âge de 30 ans, lorsqu’il remet à l’église San Rocco son premier chef d’œuvre : Saint Roch guérissant les pestiférés. Les commandes affluent pour ce peintre qui tente une ambitieuse synthèse entre la force du dessin de Michel-Ange et l’art de la couleur de Titien, et qui révolutionne le schéma des peintures votives.

Sa longue carrière se caractérise aussi par des recherches permanentes, de plus en plus hardies. Son luminisme et ses architectures gagnent en théâtralité jusqu’au vertige ; sa touche vibrante donne, dans les trois dernières décennies de sa vie, une âpreté héroïque et visionnaire à toutes ses compositions, même à ses portraits. Sans prétendre dresser un panorama de ce parcours prolifique, la vingtaine d’œuvres sélectionnées par la mairie du Ve évoque l’exceptionnel génie du maître.
Nous reviendrons dans un prochain numéro sur ces expositions.

- LORENZO LOTTO (1480-1557), UN GÉNIE INQUIET DE LA RENAISSANCE, 16 octobre-11 janvier, Grand Palais, Entrée square Jean-Perrin, 75008 Paris, tél. 01 44 13 17 17, tlj sauf mardi 10h-20h, mercredi 10h-22h. Réservation obligatoire de 10h à 13h au 0803 808 803, ou sur Minitel 3615 Billetel ou 3615 FNAC. - LE TINTORET, UNE LEÇON DE PEINTURE, jusqu’au 13 décembre, Mairie du Ve arrondissement, Salle des Fêtes, 21 place du Panthéon, 75005 Paris, tél. 01 43 29 21 75, tlj 11h-17h45, dimanche 14h-17h45.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°68 du 9 octobre 1998, avec le titre suivant : Lotto et Tintoret, de singuliers vénitiens

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