Antiquaire

La magnificence des tsars

La galerie Kugel expose 300 œuvres d’art russe

Par Éric Tariant · Le Journal des Arts

Le 23 octobre 1998 - 662 mots

Issus de quatre générations d’antiquaires, à Minsk et Saint-Pétersbourg, Nicolas et Alexis Kugel ont voulu poursuivre une tradition remontant à la fin du XVIIIe siècle en proposant dans leur galerie un panorama des différents styles et techniques de l’art russe. Ils se sont efforcés de mettre en perspective les correspondances entre cet art et celui de l’Europe occidentale.

PARIS - “Beaucoup de visiteurs russes ont été surpris de découvrir des pièces d’une telle qualité en mains privées”, s’exclame Nicolas Kugel, visiblement satisfait de l’accueil favorable qu’a reçu l’exposition, fruit de deux années de travail. Celle-ci rassemble trois cent œuvres jamais exposées – parmi lesquelles de nombreux meubles et objets qui ornaient des palais impériaux –, acquises dans quelques grandes collections françaises. Les plus belles pièces d’art russe se trouvent en effet aujourd’hui en Occident. Certaines sont arrivées dans les malles des tsars qui les offraient en cadeaux diplomatiques, d’autres ont suivi les collectionneurs fuyant le pays au moment de la Révolution d’octobre, ou bien elles ont été dispersées dans les années vingt et trente par le régime soviétique lors de ventes aux enchères ou encore vendues à des collectionneurs et antiquaires.

“C’est la seconde exposition thématique que nous organisons après celle consacrée aux “Vues de Paris” il y a deux ans, poursuit Alexis Kugel. Nous avons adopté une démarche scientifique et effectué des recherches très poussées sur chaque pièce. Nous avons choisi de montrer des objets peu connus en nous concentrant sur la période néoclassique qui est la plus belle”.

De Moscou à Saint-Pétersbourg
Pièce phare de l’exposition, le Potemkine, un diamant de plus de 54 carats confié aux antiquaires par un collectionneur européen, est proposé à 90 millions de francs. Il a appartenu successivement à Catherine II (qui l’avait offert à son amant le prince Potemkine), puis à l’épouse de Napoléon III, l’impératrice Eugénie.

Les autres pièces sont axées autour de deux grands centres géographiques : de Moscou proviennent des objets d’apparat et de nombreuses coupes à libation empreintes de tout le faste de l’art byzantin ou oriental ; de Saint-Pétersbourg, des pièces influencées par l’art occidental. Un miroir en porcelaine et bronze doré, réalisé par la Manufacture impériale de porcelaine de Saint-Pétersbourg pour le mariage de la grande-duchesse Catherine Pavlovna avec Guillaume 1er de Wurtemberg, témoigne de l’influence de l’art français sur les artistes russes. Il a été exécuté d’après un dessin d’André Voronikhine et des modèles de Jean-Dominique Rachette. D’autres pièces ont été commandées par l’impératrice Catherine II à de grands ébénistes français. Ainsi, un bureau à cylindre en marqueterie d’époque Louis XVI, vers 1775, attribué à François-Gaspard Teuné (3,8 millions de francs), qui s’ouvre par un cylindre marqueté d’un grand cartouche, de larges feuillages et d’un médaillon central orné d’un trophée des arts et des sciences, comprenant notamment une palette, des pinceaux et un buste représentant probablement Catherine II.

Les relations entre la Russie et l’Europe sont également évoquées à travers des pièces d’argenterie allemandes et françaises commandées par la Cour, telles une paire de cloches ovales monumentales (1,3 million de francs) et leurs plats en argent, exécutés en 1777 par Robert-Joseph Auguste. Ils faisaient partie d’importants services que l’impératrice a commandés entre 1776 et 1783 pour ses différents palais de Nijni-Novgorod, Kazan et Moscou. Des pièces similaires se trouvent au Musée Nissim de Camondo à Paris et au Musée des arts décoratifs.

Une petite salle tendue de velours rouge accueille une impressionnante collection de trente objets en vermeil niellé. Cette technique typiquement russe, qui consiste à émailler en noir le fond de la gravure, a été utilisée pour décorer nombre d’objets religieux ou civils, comme cette charka (taste-vin) aux armes du comte Tchicherine, lieutenant général lors du coup d’État de 1762 par lequel Catherine II a pris le pouvoir.

TRÉSOR DES TZARS, LA RUSSIE ET L’EUROPE, DE PIERRE LE GRAND À NICOLAS 1er


Exposition-vente, jusqu’au 31 octobre, Galerie J. Kugel, 279 rue Saint-Honoré, 75008 Paris, tél. 01 42 60 86 23, tlj sauf dimanche 10h-19h, lundi 14h30-19h.

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°69 du 23 octobre 1998, avec le titre suivant : La magnificence des tsars

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