Fiac, le réveil des Français

La foire a soufflé ses 25 bougies et quitte le quai Branly

Par Philippe Régnier · Le Journal des Arts

Le 23 octobre 1998 - 659 mots

Une file d’attente atteignant le pont de l’Alma, des collectionneurs français qui se réveillent et un manque cruel de grandes galeries internationales : le bilan de la 25e Fiac est assez contrasté. La prochaine édition, organisée Porte de Versailles, s’annonce déjà comme déterminante pour l’avenir de la manifestation.

PARIS - La 25e Fiac s’était ouverte, le mardi 6 octobre, dans un climat de désespérance, de nombreux marchands redoutant que les crises successives des marchés financiers ne détournent les collectionneurs des allées du quai Branly, et les faibles ventes réalisées le premier jour, contrairement à l’année précédente, ne faisaient que confirmer leur appréhension. Beaucoup se plaignaient d’ailleurs du trop grand nombre de visiteurs durant l’après-midi réservé aux professionnels, “qui nuisait au commerce”. Six jours plus tard, à la fermeture de la Fiac, la satisfaction semblait plutôt de mise. Certes, peu de grandes ventes ont été réalisées, mais, prudents, les galeristes étaient rares à proposer des pièces dépassant le million de francs. La crise a essentiellement joué pour les pièces importantes, qui ne se vendent aujourd’hui qu’après mûre réflexion. Mais surtout, la Fiac 98 a été marquée par un réveil des collectionneurs français, qui ont essentiellement acquis des œuvres à des prix se situant dans une fourchette de 50 à 200 000 francs. “Cela montre que le marché de l’art est plus indépendant des marchés financiers qu’on le pense, estime Catherine Thieck, de la Galerie de France, ou, en tout cas, qu’ils ont moins d’importance pour un certain type de collectionneurs”.

Certains d’entre eux ont d’ailleurs un comportement nouveau, ne fréquentant pas les galeries durant l’année, évitant les vernissages, pour ne réapparaître qu’une fois l’an à la Fiac. Cette année encore, sur les 90 000 visiteurs, le pourcentage de grands collectionneurs, notamment américains, est resté très faible, malgré le programme “Un Octobre à Paris” – cela dit, peu enthousiasmant. L’explication vient peut-être d’une multiplication des foires à l’automne — Berlin, Cologne, aujourd’hui San Francisco – parmi lesquelles la Fiac n’a pas un rôle leader. Pire, la plupart des grandes galeries, hier encore présentes à Paris, l’ont désertée : exit Juda, Greve, Goodman, Bischofberger, Hans Mayer… Sur le stand de la galerie Buchmann, on déplorait ces absences, estimant la foire “trop française”. De plus, le secteur “Perspectives” réservé aux jeunes galeries, soutenu par la Fondation Cartier pour l’art contemporain, ménageait peu de réelles découvertes, quand les stands n’accueillaient pas des pièces d’artistes plus que confirmés. La sélection de ces galeries gagnerait à être fondée sur le contenu réel du stand plutôt que sur le seul nom du marchand. En définitive, la Fiac est aujourd’hui une bonne foire française pour un public français.

Aussi, son emménagement en 1999 dans le hall 4 – le “Pavillon du Parc” – de Paris Expo s’annonce-t-il crucial, en particulier pour enrichir son caractère contemporain et international. La foire, qui ne pouvait jusqu’alors accueillir ni estampes ni multiples, s’ouvrira aux “grands éditeurs d’art internationaux, à la sculpture monumentale, aux nouveaux médias, à la vidéo et à la photographie”. Elle intégrera ainsi certains secteurs déjà présents à Bâle, mais marchera également sur les plates-bandes de Paris Photo, une jeune foire déjà de réputation mondiale qui n’avait pas besoin de cette concurrence hexagonale. Enfin, les dates retenues – du 15 au 20 septembre 1999 – paraissent problématiques : à la fois trop proches du mois d’août, au moment de la rentrée des classes et du versement du dernier tiers provisionnel de l’impôt sur le revenu. Un contexte, il faut le reconnaître, peu favorable.

Aussi, certains galeristes comme Caroline Smulders, de la galerie Thaddaeus Ropac, et Jérôme de Noirmont ont-ils déjà renoncé à se rendre Porte de Versailles l’an prochain. Ils envisageraient même d’organiser une nouvelle foire à Paris, “plus internationale, plus contemporaine, plus prestigieuse”, qui pourrait réunir trente à quarante galeries. Cette initiative – totalement différente dans l’esprit du projet de “Contre-Fiac”, en 1995, qui avait conduit à un renouvellement du Cofiac – est encouragée par plusieurs marchands, notamment étrangers.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°69 du 23 octobre 1998, avec le titre suivant : Fiac, le réveil des Français

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